4.9.18

Analyse 11 (2018). La lutte finale à Idlib

       Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 4 septembre 2018

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La lutte finale à Idlib

Le reflux occidental au Moyen-Orient

Comment comprendre la dynamique géopolitique actuelle au Moyen-Orient ? Pour certains médias, cette dynamique s'apparente plutôt à un «nouveau désordre» (Courrier international du 30 août au 5 septembre 2018). Faut-il rappeler que les médias occidentaux parlent de «désordre» chaque fois que l'hégémonie des puissances militaires occidentales est contestée. Lesdits médias parlent de «stabilité» dans le cas de domination sans partage d'une région ou d'un pays par des puissances colonialistes euro-américaines.

Avant la chute de l'Union soviétique, l'Irak et la Syrie étaient parrainés par elle qui, en les armant, les protégeait face à la convoitise des puissances occidentales. L'affaiblissement, puis la chute de l'Union soviétique mirent l'Irak et la Syrie à portée de main de l'armée américaine qui envahit puis conquit l'Irak en 2003.

La Syrie devait subir le sort de l'Irak. Mais, les accords militaires irano-syriens et la percée du Hezbollah au Liban - ainsi que sa victoire sur l'armée israélienne qui dut évacuer le Sud Liban - ont créé de facto une alliance tripartite puissante, obligeant Washington et ses obligés locaux à revoir leurs plans, agir autrement.

Il leur fallait d'abord casser l'alliance tripartite en commençant par son maillon le plus faible, le Hezbollah libanais. Le choix a donc porté sur le Liban, petit pays divisé où l'Occident a des soutiens solides en la personne de Saad Hariri et où le Hezbollah semblait une proie facile pour la machine de guerre israélienne. La Syrie après le Liban, se disaient (peut-être) les américano-saoudo-israéliens.

Malgré les 33 jours d'une guerre destructrice en 2006 au Sud Liban, le Hezbollah est sorti de cette guerre encore plus puissant qu'avant.

Saisissant la période des «Printemps arabes», le pouvoir syrien devait être broyé, à son tour, par les obligés de l'Occident, en particulier la Turquie et l'Arabie saoudite et leurs milliers de djihadistes. Après sept ans de guerre sans merci, Bachar Al-Assad, soutenu activement par l'Iran et la Russie, est toujours là.

Anti-impérialistes et djihadistes

Il est très important de noter que les puissances américano-britanniques, à cause de leurs interventions fréquentes sous forme de coup d'état, provocation d'agitations sociales, soutien aux rebellions ethniques conduisant au démantèlement des pays souverains, etc., sont craintes et honnies dans toute la région. Aux yeux de la population moyen-orientale, l'intervention des américano-britanniques au Moyen-Orient revêt donc un caractère colonialiste. L'opposition à cette intervention revêt automatiquement un caractère anticolonialiste.

Ce principe n'échappe par aux autorités iraniennes qui, à cause de leur hostilité envers les Etats-Unis, puissance menaçante, oppressive et ouvertement pro-israélienne, arrivent à attirer la sympathie croissante de l'ensemble des peuples du Moyen-Orient, voire au-delà.

Les Etats-Unis et leurs obligés locaux, en particulier l'Arabie saoudite, ne restent pas les bras croisés. En effet, depuis les années 1950 et le développement du mouvement anticolonialiste au Moyen-Orient qui a conduit à la naissance des régimes «anti-impérialistes» en Egypte, en Irak et en Syrie, nous observons l'essor du wahhabisme et du salafisme qui diffusent le venin de «la guerre de religion» - sunnite contre tous les «impies» et «mécréants» - au Moyen-Orient, voire en Europe et en Amérique.

La réalité est que la «la guerre de religion», financée et armée par l'Arabie saoudite et les Etats-Unis, éloigne la guerre «anti-impérialistes» de ses objectifs, profite largement aux forces colonialistes, en particulier à leurs parrains américains et saoudiens.

Compte tenu du caractère anticolonialiste des mouvements de libération au Moyen-Orient, une partie des djihadistes wahhabites, retourne ses armes contre les Etats-Unis et l'Arabie saoudite, accusée à son tour de servir les intérêts des Etats-Unis, «puissance croisée» ! Ce fut le cas d' «Al Qaida» en Afghanistan et de «l'Etat islamique» en Irak et en Syrie.

Cela n'empêche pas les Etats-Unis de s'appuyer occasionnellement sur lesdites forces djihadistes pour combattre leurs adversaires du moment (l'Iran, la Russie) au Moyen-Orient.

La guerre de partage au Moyen-Orient et la nouvelle puissance montante.

C'est encore le cas en Irak ou en Syrie où les médias occidentaux mettent l'accent sur la guerre de religion sunnite-chiite opposant l'Iran aux forces pro-américaines et wahhabites.

Les médias passent sous silence le caractère mondial de cette guerre qui ravage la région et à laquelle participent une soixantaine de pays étrangers, en particulier les vieilles puissances colonialistes dont les Etats-Unis, le Royaume uni, la France, l'Allemagne, la Russie, etc.

C'est une guerre pour des zones d'influence que se livrent lesdites puissances au Moyen-Orient, à laquelle s'est invité l'Iran, la nouvelle puissance montante.

Une guerre entre l'Iran et les Etats-Unis est-elle envisageable ?

Etant donné les tensions croissantes entre les Etats-Unis et leurs obligés locaux, d'une part, et l'Iran, d'autre part, certains n'hésitent pas à brandir la menace imminente d'une guerre entre les deux protagonistes.

C'est oublier que, depuis la chute du pouvoir des Pahlavi en 1979, les Etats-Unis - qui ont perdu leur hégémonie sans partage au Moyen-Orient, carrefour de trois continents, et des détroits hautement stratégiques d'Ormuz et de Bab Al-Mandeb, menacés par le mouvement yéménite Houthiste, soutenu par Téhéran - sont en guerre (via des pays voisins et Israël)  contre l'Iran (et ses alliés), pays clé de la région.

Ces guerres d'inspiration américaine qui durent depuis 38 ans se sont soldées (au moment où nous rédigeons cette analyse), par la destruction du Liban Sud, de l'Irak, du Yémen et de la Syrie. Un immense champ de ruines. Sans parler des dizaines de milliers de morts civils et militaires, des millions de déplacés qui jonchent l'histoire tourmentée de cette région.

Les gagnants et les perdants

Parallèlement, l'Iran en a profité pour renforcer sa position régionale, acquérir des zones d'influence en Afghanistan, au Liban, en Irak, en Syrie.

Les Etats-Unis sont les vrais perdants de cette guerre sans fin. Ils perdent du terrain au profit de l'Iran et de la Russie, invitée de l'Iran sur la scène syrienne. Les dettes américaines explosent, son armée est démoralisée, son hégémonie mondiale sérieusement contestée.

Impuissants à battre militairement l'Iran et ses alliés, les Etats-Unis, soutenus par les puissances occidentales (la France, le Royaume uni, l'Allemagne) sortent leur dernière arme, celle des sanctions économiques, même contre leurs propres alliés, si ceux-ci ne respectent pas la Pax americana !

Le malaise est total. En effet, pour combler leurs déficits colossaux, les Etats-Unis mènent actuellement une guerre économique tous azimuts contre leurs propres alliés. L'objectif : mettre à contribution les finances de ces derniers pour éponger leurs propres dettes astronomiques. La tension est palpable entre les Etats-Unis et leurs alliés chinois et européens qui n'apprécient guère la méthode brutale de détroussage d’une administration Trump à bout de souffle.

La lutte finale à Idlib

Actuellement, Idlib est la seule région syrienne qui échappe au pouvoir syrien et à ses alliés Iraniens et Russes. L'armée turque et les djihadistes wahhabites présents à Idlib représentent le dernier carré de résistance des puissances occidentales encore actives en Syrie.

Tout porte à croire que l'armée turque et les miliciens djihadistes divisés ne résisteront pas longtemps face au rouleau compresseur de l'armée syrienne, soutenue par des miliciens chiites aguerris encadrés par les conseillers iraniens et l'aviation russe.

Le pouvoir syrien, l'Iran et la Russie sont les grands gagnants de la guerre de Syrie. L'Union européenne souhaite vivement participer à la reconstruction de la Syrie qui lui permet également de rester présente dans cette partie hautement stratégique du Moyen-Orient. Or, pour revenir en Syrie, il faut négocier avec l'Iran.

La Syrie est devenue l'atout stratégique de l'Iran face aux puissances occidentales (sauf les Etats-Unis) qui maintiennent des canaux de négociation avec l'Iran.

En plus des Etats-Unis, Israël et l'Arabie saoudite ne sortiront pas indemnes du reflux occidental au Moyen-Orient qui ressemble, à s'y méprendre, à du sable mouvant. Les Etats-Unis ont intérêt à réduire drastiquement leur mouvement !