30.5.09

Analyse 10 (2009)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 30 mai 2009


cpjmo@yahoo.fr


Pakistan, Afghanistan, Vietnam,


Hiroshima


De terre d’asile, l’Iran se serait-il transformé en terre d’hostilité ?

● Que représente Israël pour les États-Unis?


Après des années de tergiversation, le gouvernement pakistanais a finalement cédé aux exigences des Etats-Unis. Depuis le 26 avril 2009, l’armée pakistanaise mène une guerre totale contre les insurgés de la vallée de Swat, dans le nord-ouest du pays. Chars, artilleries lourdes, tirs de mortiers, avions et hélicoptères de combat traquent les rebelles. Cette guerre a provoqué plus d’un million de déplacés «le plus important déplacement de population dans l’histoire du pays», selon Najam Sethi, rédacteur en chef du Daily Times, Lahore (Pakistan,) cité par Le Monde Diplomatique de juin 2009. Des familles entières sont entassées dans des camps de fortune, sans eau, sans électricité ni sanitaire.


La propagande officielle voudrait faire croire à une «guerre juste» lancée par «le monde civilisé» contre des barbus fanatisés égorgeurs, pareils aux communistes d’antan, «assoiffés de sang» et caricaturés avec un couteau entre les dents. Or, en lisant l’éditorial des «Dernières Nouvelles d’Alsace» (DNA) du 15 mai 2009, nous apprenons qu’il s’agit bien d’une «guerre civile, religieuse et révolutionnaire sur fond de féodalisme…D’ailleurs, qui sont-ils, ces talibans pakistanais? Pas tous membres d’Al-Qaïda, également des autonomistes, des guerriers tribaux ou encore des paysans en révolte contre leurs propriétaires fonciers». Bref, une guerre menée par des féodaux locaux, soutenus par des colonialistes occidentaux, contre les paysans sans terre et autres nationalistes religieux.


Epaulé par des conseillers américains forts de l’expérience du Vietnam, le gouvernement pakistanais encourage l’exode des paysans pour vider la campagne où les insurgés sont comme des «poissons dans l’eau».


A l’heure où nous rédigeons cet article, la ville de Mingora, le chef-lieu de district, est toujours le théâtre d’âpres batailles entres les insurgés et l’armée pakistanaise qui n’arrive pas à venir à bout de l’insurrection.


Tout porte à croire que, comme au Vietnam, les camps de tentes se transformeront en villages fortifiés, entourés de barbelés et encerclés par l’armée qui procède au fichage complet de chaque exilé (si ce n’est déjà fait).


En Afghanistan, les unités mobiles de l’armée américaine mènent actuellement une campagne de fichage des villageois afghans : «comme chaque ferme a une motocyclette,…, le propriétaire et sa machine sont photographiés. Ensuite l’un des «Joes» scanne l’iris du «suspect», dont la fiche signalétique est immédiatement communiquée par liaison satellite au quartier général»(1).


La fortification des villages et le fichage des villageois étaient largement pratiqués au Vietnam. Lesdits procédés sont maintenant informatisés. Les militaires américains prétendent pourtant pratiquer les techniques de la contre-insurrection : «Dans ce conflit où la clé de la victoire est la population, il faut peu à peu l’inciter à soutenir le gouvernement afghan plutôt que l’insurrection. Séparer la population des insurgés»(1). Voici la réponse des Afghans à la technique de la contre-insurrection : «Qu’ils soient civils ou militaires, les Occidentaux, à Kaboul, ne fréquentent que des lieux sélectionnés et placés sous haute protection»(2).


Depuis la guerre du Vietnam, les armes occidentales de destruction massive, déversées sur l’Orient, ont beaucoup évolué. «Les forces armées américaines et britanniques ont utilisé trois fois plus d’armes à l’uranium en Afghanistan qu’en Irak et dans les Balkans. Les armes de destruction massive utilisées en Afghanistan sont plus puissantes que celles utilisées en Irak…En Afghanistan les chercheurs de l’UMRC (Uranium Medical Research Center) supposent après un an que 25% des nouveau-nés manifestent des symptômes d’exposition aux armes à l’uranium»(3). C’est la «civilisation» occidentale à tête nucléaire qui arrose le Moyen-Orient et l’Asie centrale. Le Pakistan et l’Afghanistan ce sont les souvenirs d’un Vietnam et d’un Hiroshima à petits pas qui nous reviennent!


Pourtant, la situation semble échapper au contrôle américain. Au début de l’administration Bush, le Pentagone pensait pouvoir mener trois guerres à la fois. Après l’Afghanistan, les Etats-Unis ont ouvert un nouveau front en Irak. La résistance irakienne a épuisé l’armée américaine qui s’est approchée du seuil de rupture. A son tour, la résistance afghane s’est renforcée, portant des coups sévères aux envahisseurs américains. Un changement de tactique s’est imposé en février 2007. Ce qui s’est traduit par la tenue d’une conférence internationale destinée à discuter des moyens de garantir la stabilité politique de l’Irak(4). L’Iran et la Syrie étaient les invités vedettes de la conférence. C’est le début de la fin de l’unilatéralisme de l’ère Bush.


L’Iran s’est peu à peu associé aux Etats-Unis pour calmer les tensions en Irak. En effet, hormis la classe dirigeante «amie» de la théocratie iranienne au pouvoir, l’armée du Mahdi s’est faite discrète. Son chef, le jeune Moqtadar Al-Sadr se trouve, selon toute vraisemblance, à Qom ville sainte chiite de l’Iran. De terre d’asile, l’Iran se serait-il transformé en terre d’hostilité? La réponse est positive, de l’avis général des habitants des pays concernés (l’Irak et l’Afghanistan).


Le même phénomène s’observe en Afghanistan. Hostile à la résistance afghane, l’Iran serait prêt à aider les envahisseurs, enfoncés dans un bourbier.


La visite le 24 mai 2009 à Téhéran des chefs d’Etat pakistanais et afghan va dans le sens souhaité par l’administration Obama de créer une sorte de «front régional» contre l’insurrection qui secoue l’Afghanistan et le Pakistan. En outre, ce pays vient de signer un grand contrat gazier avec l’Iran. Il est à souligner que la signature du contrat ne pouvait se faire sans l’aval des États-Unis.


L’entente américano-iranienne sur certains dossiers ne signifie pas l’effacement des contentieux entre eux. Les tensions restent très vives entre l’Iran et l’Occident. L’inauguration mardi 26 mars 2009 de la base permanente française à Abu Dhabi, face à l’Iran, en est un exemple. Les manœuvres militaires des navires de guerre iraniens dans le Golfe d’Aden seraient-elles la réponse de l’Iran à la présence française dans le Golfe persique ? D’autant plus que les nationalistes-religieux somaliens menacent le pouvoir somalien. Après la libération de la Somalie assisterons-nous à celle de Djibouti? De l’orage dans l’air!


L’entente Etats-Unis-Iran sur certains dossiers, inquiète Israël qui craint de perdre son statut auprès de son protecteur américain. Pour les États-Unis, que représente Israël, petit pays, privé de ressources naturelles et de réseaux dans la région? Pour eux, Israël n’est qu’une grande base militaire, en plein cœur du Moyen-Orient, au service des intérêts américains. Ne lui fournissent-ils pas jusqu’aux cartouches des fusils d’assaut? C’est ce qu’Obama a probablement signifié à Netanyahou, premier ministre israélien, lors de sa dernière visite aux États-Unis. Actuellement, des informations circulent sur l’infléchissement des positions de l'administration Obama sur le dossier palestinien. Cela signifie-t-il que la disparition des check-points, le démantèlement des colonies ou la création de l’Etat palestinien est pour demain? La réponse est certainement négative.


La résolution de la question palestinienne dépend beaucoup de la modification des rapports de forces régionaux. Le développement des résistances anticolonialistes, le développement de la technologie militaire iranienne et l’enlisement des puissances colonialistes contribueront à la libération de la Palestine. Dès lors, faut-il s’étonner qu’à la veille des élections libanaises, des «informations» haineuses et sans preuves soient répandues par Der Spiegel sur l’assassinat du premier ministre Rafic Hariri, le 14 février 2005, par des forces spéciales du Hezbollah? (5). L’objectif de Der Spiegel : entraver la victoire attendue de la résistance libanaise aux élections législatives du 7 juin 2009.


Les réseaux d’espionnage israéliens au Liban sont démantelés, les uns après les autres, et l’inquiétude gagne l’Occident qui risque de perdre une position stratégique à l’est de la Méditerranée. Quel sale temps pour l’Occident colonialiste et oppresseur !

1- Reportage Décryptage- Le Monde du 22 mai 2009.

2- Reportage Décryptage- Le Monde du 31 mars 2009.

3- Horizon et débat N°5, 4 février 2008, 8e année.

4- Voir communiqué n° 23 du 4 mars 2007.

5- Le Monde du 27 mai 2009.

12.5.09

Analyse 9 (2009)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 12 mai 2009


cpjmo@yahoo.fr


La guerre de deux cent ans


Quelle pourrait être la nature du dialogue américano-iranien ?



On aurait pu choisir un autre titre: y aura-t-il un jour la paix entre l’Occident et l’Orient? En effet, depuis deux siècles (1809-2009), l’Occident mène, pour son hégémonie mondiale, des guerres meurtrières et dévastatrices en Orient. C’est la guerre de deux cent ans!


Au dix-neuvième siècle, l’Hindou-Kouch, la barrière naturelle, séparant l’Asie maritime de l’Asie continentale, constituait le rempart de l’empire des Indes face à l’expansionnisme russe. L’Afghanistan, pays relativement puissant, formait le pays tampon, entre les armées russe et britannique. Cela n’a pas empêché cette dernière d’imposer trois guerres au royaume des Afghans.


Depuis la victoire des révolutions chinoise (1949), indienne (1947) et iranienne (1979) et l’effondrement de l’URSS, la donne a complètement changé. En effet, face à l’Occident, se dressent actuellement quatre puissances régionales, voire mondiales, russe, chinoise, indienne et iranienne. Pays frontalier des quatre puissances citées, l’Afghanistan s’est transformé en rempart de l’hégémonie occidentale, menée par les États-Unis, qui conduisent plusieurs types de guerre.


1- La guerre d’invasion : c’est l’effondrement de l’URSS qui réactiva ce type de guerres dans les Balkans, au Moyen-Orient et en Afrique, avec sa cohorte d’expéditions militaires. La conquête de l’Irak et de l’Afghanistan fut la plus stratégique, spectaculaire et coûteuse.

En installant de multiples bases militaires en Irak et en Afghanistan, les Etats-Unis contrôlent désormais les espaces aériens et terrestres de ses quatre puissances rivales.


Les guerres en Irak et en Afghanistan sont des guerres de conquête coloniale dont le premier bénéficiaire est le complexe militaro-industriel et les entreprises affidées. Il serait naïf de croire à la volonté de reconstruction des pays conquis.


Les peuples des pays conquis ne se trompent pas quant à la nature de la présence étrangère dans leur pays. La résistance en Irak continue de harceler les forces d’occupation et la guerre d’Afghanistan s’étend désormais au Pakistan, transformé en maillon faible de la coalition colonialiste.


Le sommet de Washington, réunissant Karzaï, Zardari (Pakistanais) et Obama, les 6 et 7 mai, ne fera qu’aggraver les tensions régionales, au détriment des colonialistes. Voici ce que dit l’éditorial du Monde du 09/05/09 : «L’exercice avait déjà été tenté par George Bush. Il n’a guère été concluant». Ledit exercice arrive après la soi-disant «dépolitisation», c’est-à-dire la fermeture, en novembre 2008, de la «branche politique» de l’Inter Services Intelligences (ISI), les services secrets militaires pakistanais.


Les bombardements aveugles des populations civiles et l’utilisation des bombes à l’uranium appauvri dénotent du caractère purement militaire des objectifs.


2- Guerre par pays satellites interposés : c’est surtout le cas des guerres menées par Israël contre les pays arabes «ex-rebelles» et contre la Palestine toujours rebelle. L’Egypte et la Jordanie se sont rangées, tandis que le Liban et la Palestine continuent de résister.

D’aucuns prétendent qu’Israël est un pays puissant, alors qu’il manque cruellement de ressources et de réseaux d’influence dans la région. La puissance d’Israël émane de son soutien américain qui se sert d’Israël pour maintenir son hégémonie au proche et Moyen-Orient. L’affaiblissement des Etats-Unis n’est pas sans conséquence sur Israël qui a échoué au Sud Liban, à l’été 2006 et à Gaza en décembre 2008- janvier 2009. Les mouvements de résistance anticolonialistes gagnent en puissance et en audience, fixant l’armée israélienne au nord et au sud d’Israël. Tout le territoire israélien est désormais à la portée des missiles libanais et syriens. Le temps est révolu où ce pays pouvait gagner trois guerres en 6 jours.


Il est à souligner qu’avec le renforcement militaire des résistances anticolonialiste aux frontières d’Israël, face à l’intransigeance des Américano-israéliens, de nouvelles déflagrations sont à craindre.


La Géorgie est un autre exemple de pays satellite qui a essayé d’intimider militairement le géant russe pendant l’été 2008. Suite à une guerre très asymétrique et mal calculée, la Géorgie a perdu ses deux provinces septentrionales. Des manœuvres militaires communes OTAN-Géorgie, depuis le 06 mai, montrent l’importance attachée par l’Occident à la Géorgie, verrou stratégique qui coupe la marche de l’armée russe vers le sud du Caucase et de ses bases en Arménie.


3- Intrusion économique : C’est une troisième tactique qui permet aux puissances occidentales de s’introduire dans une région ou de la soumettre. Etant donné la puissance militaire écrasante russe, différentes tentatives du type «partenariat oriental», initié par l’Union européenne et prévu le 7 mai 2009, sont entreprises pour étendre l’influence occidentale dans le Caucase. La pression exercée par la Russie sur ses alliés a empêché la Biélorussie et la Moldavie de participer, à un haut niveau, au sommet de lancement du «partenariat oriental». Pour la Russie, l’union européenne tente d’élargir sa «sphère d’influence» dans la région.

Invasion territoriale, guerres par satellites interposés, intrusion économique, manœuvres militaires, complots de «velours» et provocation des minorités ethniques et religieuses, forment une vaste panoplie de moyens employés par l’Occident depuis plus de deux siècles en Orient. Dans ce contexte de guerres sans fin, que vient faire le dialogue entre les États-Unis d’une part et la Russie ou l’Iran, d’autre part? En guise de bonne volonté, les Américains auraient pu commencer par démanteler leur centaine de bases militaires qui encerclent l’Iran et par retirer leurs porte-avions et autres sous marins nucléaires du Golfe persique.


Si l’Iran est technologiquement moins développé que les trois autres puissances, il dispose, de l’Afghanistan à la Méditerranée, d’un vaste réseau d’influence régionale populaire qui compense sa faiblesse technologique. L’Iran a même installé des missiles en Érythrée. Le dialogue américano-iranien peut porter sur plusieurs volets :


1- Imposer des conditions à l’Iran afin d’exercer des pressions, pour pousser ce pays à céder aux désidératas américains. Cette politique, testée sous l’administration Bush, a échoué.

2- Négocier sans conditions pour régler certains contentieux ne nécessitant pas le recours systématique à la force, en Irak, en Afghanistan, au Liban ou en Palestine. Ce dialogue a ses limites. En effet, seul le rapport de forces militaire permet de déterminer les contours de chaque puissance sur le terrain. Pourquoi faut-il créer un Etat palestinien si les Palestiniens ne sont pas en mesure de s’imposer? Pourquoi rendre les hauteurs du Golan, si la Syrie n’est pas en mesure de les récupérer? Faut-il souligner que ce type de dialogue n’empêchera pas le recours à la guerre destinée à imposer ou à élargir les zones d’influence.

3- Entraide forcément mutuelle, contre un ennemi commun. C’est le cas de la résistance afghane. Ne souhaitant pas la victoire de la résistance, l’Iran et la Russie sont prêts à «aider»- avec des contreparties- les Etats-Unis à convoyer du matériel via leur territoire. D’autant plus que cette guerre fixe les forces militaires américaines dans le bourbier afghan et, à long terme, contribuera à affaiblir les Etats-Unis sur le plan militaire, financier et économique. Un rappel historique : la Grande Bretagne et la France, deux anciennes puissances colonialistes, se sont épuisées dans des guerres colonialistes interminables et lors des deux guerres mondiales.

L’aide apportée aux États-Unis n’empêchera pas l’Iran et la Russie de soutenir, en sous main, certaines fractions de la résistance afghane. «Réal politique» exige.


4- A son tour, le dialogue avec l’Iran permettrait aux Occidentaux de trouver les failles leur permettant d’affaiblir les liens entre l’Iran et la Russie, leur adversaire principal depuis deux siècles.