26.1.08

Analyse 4

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 27 janvier 2008

cpjmo@yahoo.fr

Pourquoi Israël s’acharne-t-il sur le ghetto de Gaza?


D’aucuns réduisent le conflit israélo-palestinien à un conflit entre les Juifs et les Arabo- Musulmans palestiniens. Cette vision réductrice n’explique pas pourquoi les pays arabes, ne viennent pas en aide au peuple palestinien. Ni pour quelle raison Israël entretient d’excellents rapports avec la Turquie musulmane, qui met son espace aérien au service de l’aviation israélienne, dont les conseillers militaires sont omniprésents au sein de l’armée turque? Cette dernière achète du matériel israélien, dont des drones survolent le Kurdistan irakien et les zones frontalières iraniennes.

Les pays arabes du Golfe Persique ont investi massivement dans l’économie des pays occidentaux, notamment des Etats-Unis, qui ont absorbé plus de 400 milliards de dollars d’investissements saoudiens, produisant 7% du PNB (Produit National But) américain. Les intérêts économiques, donc politiques, des pays arabes du Golfe Persique sont intimement liés à ceux des Etats-Unis. Ayant des intérêts stratégiques communs avec l’Occident, les pays arabes d’Afrique du Nord ont plus d’«affinité» avec Israël, bras armé des Etats-Unis, qu’avec les Palestiniens.

Le conflit israélo-palestinien n’est donc pas un conflit ethnique ou un conflit israélo-arabe. C’est un conflit politique et territorial, qui oppose, sur un plan régional, les colonialistes aux anticolonialistes : ces derniers comprenant l’Iran, la Syrie et le Liban, nations souveraines ainsi que des mouvements révolutionnaires, partiellement de caractère religieux.

Dans leur ensemble, c’est avec leurs conceptions de la démocratie et des «droits de l’homme», en vigueur dans divers pays développés occidentaux, que les intellectuels de ces pays jugent les mouvements de transformation sociale en Orient. Or, les Orientaux jugent les paroles démocratiques de l’Occident selon leurs pratiques orientales. Que remarque-t-on? Les dictatures en Egypte, en Arabie saoudite, au Yémen, en Tunisie, en Algérie, sont considérées et traitées en «amies» par l’Occident. Lors de son dernier voyage en Arabie saoudite, Nicolas Sarkozy a rendu hommage à la «sagesse» du roi Abdallah, après avait salué son «rôle de modération» au Proche-Orient (Nathalie NOUGAYREDE- Le Monde du 20-21/01/08). La journaliste n’en revient pas et écrit : «A l’instar de M. Bush, le président français emploie volontiers le terme «modéré» pour désigner les régimes arabes sunnites autoritaires

Les intellectuels et autres démocrates occidentaux n’arrivent pas à soutenir ouvertement le Hamas, traité de tous les noms par la propagande officielle occidentale. Pourtant, soutenir le Hamas ou le Hezbollah, ce n’est pas adhérer à leur idéologie. En soutenant la lutte d’indépendance des Algériens ou des Vietnamiens, adhérait-on à l’idéologie du FLN ou du parti communiste vietnamien ? De même, condamner l’holocauste, crime contre l’humanité, implique-t-il l’adhésion au judaïsme ? En l’occurrence, il s’agit de soutenir les opprimés face à aux oppresseurs, les anticolonialistes face aux colonialistes.

Du fait de l’immobilisme des démocrates occidentaux, la résistance anticolonialiste en Orient s’avère plus difficile. C’est dans un climat d’indifférence presque générale qu’Israël a resserré son étau autour de la bande de Gaza, avec l’objectif d’asphyxier ce territoire de 1,5 million d’habitants. Tous les points de passage ont été bouclés. Même l’aide humanitaire ne passe plus, alors que quatre Palestiniens sur cinq en dépendent. Le courant électrique a été coupé, les hôpitaux ont cessé de fonctionner et la nourriture a commencé à manquer. Le pétrole arabe qui arrive en Israël ne peut pas atteindre la bande de Gaza. « Il y a une augmentation de cas de rachitisme chez lez enfants. Il n’y a plus de ciment pour les tombes et les hôpitaux fournissent des draps pour remplacer les linceuls. Même dans la mort, les Palestiniens sont affectés par le blocus » a déploré Christopher Gunnes, porte- parole de l’Unrwa (LM du 20-21/01/08). Faut-il souligner que ce blocus n’a pas pu s’instaurer sans l’assentiment du gouvernement égyptien ?

Un faisceau d’indices vient confirmer qu’aux Etats-Unis, l’après Bush se met en place. L’AFP nous apprend, que «le président Georges Bush [qui a commencé par être réticent avec le rapport des services de renseignement américain sur le programme nucléaire iranien] a approuvé, jeudi, l’ensemble des conclusions du renseignement américain sur le nucléaire iranien» (LM du 19/01/08). Il faut noter, qu’en plus, Nicholas Burns, numéro trois du département d’Etat et chargé du dossier nucléaire iranien, a démissionné de son poste. La Russie alimente la centrale nucléaire (en construction) de Bouchehr et, selon le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, des «négociations directes, y compris avec les Etats-Unis» seront lancées.

Pourtant, avec les autres puissances du Conseil de sécurité, la Russie s’est mis d’accord, mardi 22 janvier, sur une résolution sanctionnant l’Iran pour la poursuite de ses activités nucléaires (LM du 24/01/08). C’est que le Moyen-Orient reste un terrain d’affrontement Est-Ouest. Y a-t-il un rapport entre la signature et le rapprochement russo-géorgien? En effet, participant à l’investiture de Saakachvili, Sergueï Lavrov, ministre russe des affaires étrangères a confirmé l’intention «sincère et profonde» de la Russie de normaliser les relations avec la Géorgie (LM du 22/01/08).

Le problème soulevé par l’industrie nucléaire iranienne renferme une vérité: les puissances occidentales sont opposées au développement technologique indépendant de l’Iran, jalouse de sa souveraineté et refusant de servir de monnaie d’échange entre l’Est et l’Ouest. L’exemple de l’Irak montre que: «La pierre angulaire de la puissance n’est pas le territoire mais la technologie» (Henry Kissinger, ancien secrétaire d’Etat américain. LM du 21/04/06).

L’enlisement des Etats-Unis en Irak et celui de l’OTAN en Afghanistan, l’échec de l’armée israélienne au Sud Liban, à l’été 2006 et l’impasse de l’élection libanaise sont là pour nous rappeler que l’Occident a perdu du terrain au Moyen-Orient. La bande de Gaza reste le maillon faible de la chaîne de résistance anticolonialiste. En mettant la pression sur le Hamas, les américano-israéliens cherchent à marquer un point dans leur lutte contre le camp anticolonialiste. Le Hamas et l’ensemble de la résistance palestinienne représentent le grain de sable qui empêche Israël de neutraliser définitivement le Fatah.

En ouvrant des brèches dans le mur qui sépare Gaza du territoire égyptien, le Hamas a neutralisé le plan israélien visant à asphyxier les Palestiniens. D’une manière ou d’une autre, Israël cherchera à justifier son échec, voire à le transformer en «victoire». Mais, la résistance palestinienne a montré une fois de plus qu’elle est solide face à Israël.

Livrée à elle-même, la résistance palestinienne ne pourra pas vaincre. Le soutien des Palestiniens de Cisjordanie et de tous les anticolonialistes, à commencer par les peuples des pays arabo-musulmans, lui est indispensable. Les manifestations de soutien des Egyptiens et des Yéménites augurent bien de l’avenir de la résistance palestinienne.

20.1.08

Analyse 3

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 20 janvier 2008

cpjmo@yahoo.fr

L’offensive colonialiste d’Annapolis



Décidé lors du voyage de Bush au Moyen-Orient, Israël est en train d'asphyxier la bande de Gaza.

Oubliant ses déboires lors de la guerre d’Algérie, la France remet le «casque colonial».


L’impopularité de l’occupation américaine en Irak ainsi que l’ampleur et la vigueur de la résistance ont montré que la victoire militaire en Irak était impossible. Depuis lors, les uns après les autres, les alliés des Etats-Unis ont quitté l’Irak. Même les Britanniques, l’allié le plus sûr, ont jeté l’éponge.

Pour arrêter la spirale de l’échec et remonter le moral des troupes, une réorganisation et une contre- offensive généralisées s’imposaient. Ce fut chose faite lors de la conférence de «paix» d’Annapolis aux Etats-Unis. Quelles en sont les conséquences immédiates?

- Le voyage de Georges Bush au Moyen-Orient avait pour objectif de ressouder le front lézardé du colonialisme, de «rassurer» les pays arabes «amis», secoués par l’échec américain et la montée du mouvement nationalisto-religieux dans la région. Ce voyage a permis à Bush de vendre encore plus d’armes sophistiquées à ses «amis». Même si les Etats-Unis entrent en récession, l’industrie d’armement reste florissante.

- Oubliant ses déboires de la guerre d’Algérie, la France remet le «casque colonial» et s’implique de plus en plus dans la région hautement stratégique du Moyen-Orient. Puissance colonialiste en Afrique, la France pourra-t-elle mieux faire que ses «amis» Britanniques et Américains qui n’arrivent pas à contrôler la situation? La presse a annoncé l’installation d’une base navale française à Abu Dhabi, en insistant sur le fait que cette base se trouve face à l’Iran. Tout porte à croire qu’il y a urgence. En effet, cette base devrait prendre forme rapidement. Le positionnement des premiers éléments pourrait intervenir «dans les prochaines semaines»», note Gilles Paris, dans Le Monde du 17/01/08. Comme récompense, la France a conclu un «accord de coopération» avec Abu Dhabi, qui permettra la vente de deux réacteurs nucléaires par un consortium réunissant Areva, Suez et Total. S’impliquant dans une région qu’elle ne connaît pas, et où elle n’a pas d’«amis», ni de réseaux efficaces, la France de Sarkozy joue avec le feu.

L’implication colonialiste de la France ne s’arrête pas au Moyen-Orient. Pour consolider ses positions en Afrique centrale, une force multinationale (Eufor), à dominante française, s’implantera à l’Est et au Nord de Centrafrique. La recherche des matières premières fait rage en Afrique et la résistance aux forces colonialistes s’organise partout où l’uranium et le pétrole sont convoités par les multinationales.

- Israël procède au blocus total de la Bande de Gaza, détruisant et tuant systématiquement des résistants palestiniens ainsi que la population civile. Serait-ce le début du «grand nettoyage» de la bande de Gaza, condition indispensable à la mise en place d’un bantoustan nommé «état palestinien», à la solde d’Israël? La brutalité de l’armée d’occupation pousse les Palestiniens de la Cisjordanie à soutenir la résistance de la bande de Gaza, en affrontant l’armée israélienne. Ce qui n’est pas du goût de Mahmoud Abbas qui craint la reprise massive de la résistance anticolonialiste et le développement de l’influence du Hamas en Cisjordanie.

- En visant l’Iran et pour montrer ses muscles, Israël a procédé à un tir de missile balistique de 4500 km de portée. La réponse de l’Iran n’a pas tardé : «Israël n’osera pas «agresser» l’Iran».

- Lancement d’un outil colonialiste nommé «l’Alliance des civilisations», regroupant 80 pays et organismes, parrainé par le premier ministre turc et épaulé par l’ONU. Déjà, l’épouse de l’émir du Qatar et la reine Noor de Jordanie allouent, chacun, un fond de 100 millions de dollars. Cet outil fait penser aux PRT, «équipes provinciales de reconstruction» implantées en Afghanistan, dont l’objectif est de donner un «visage humain» de «constructeur» à la présence colonialiste.

Question : l’Occident arrivera-t-il à ses fins au Moyen-Orient? Force est de constater que l’offensive colonialiste décidée à Annapolis a pour objectif de contenir l’échec militaire et moral de l’Occident qui se profile à l’horizon. En effet, l’impasse est totale en Irak, en Afghanistan et au Liban. Mardi 15 janvier, la résistance pakistanaise a franchi une nouvelle étape en s’emparant d’un fort occupé par les forces paramilitaires près de la bourgade de Sararogha (Le Monde du 18/01/08). L’offensive colonialiste d’Annapolis est donc vouée à l’échec.

Les «mauvaises nouvelles» arrivent également du Canada où le ministre canadien des affaires étrangères a inscrit les Etats-Unis et Israël sur une liste de pays où les prisonniers risquent d’être torturés (LM du 19/01/08).

Au nom de la supériorité de la «civilisation occidentale» et de la «défense des valeurs humaines», les Etats-Unis, la Grande Bretagne et la France commettent l’inacceptable: invasion, destruction et pillage des pays souverains, mauvais traitements des prisonniers et massacre de la population civile. Il est normal que les peuples d’Orient et d’Afrique développent et renforcent leur résistance. Force est de constater que face à une horde incontrôlable qui sème mort et désolation sur son passage, même les complices canadiens des actes inadmissibles des Américano-israéliens n’arrivent plus à fermer les yeux.

13.1.08

Analyse 2 (2008)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 13 janvier 2008

cpjmo@yahoo.fr

La vraie raison du voyage de

Bush au Moyen-Orient


- Pourquoi la puissante marine américaine se présente-t-elle comme une victime des vedettes rapides iraniennes?

- Une guerre (la guerre civile?) dans la bande de Gaza est programmée par le trio Bush- Olmert- Abbas: Y arriveront-ils ?


Le 8 janvier 2008, George Bush est arrivé au Moyen-Orient pour une tournée de neuf jours. Les médias ont qualifié son séjour d’«historique». Il arrive au Moyen-Orient dans une position, on ne peut plus défavorable. L’échec militaire est total en Irak où les chefs sunnites des milices auxiliaires de l’armée américaine se font liquider, les uns après les autres, par la résistance irakienne qualifiée par les Américains d’«Al-Qaida ». Comme si le peuple irakien allait s’accommoder de l’occupation colonialiste et que seuls «Al-Qaida» et les «Gardiens de la révolution» iraniens étaient susceptibles de s’opposer aux Etats-Unis !?

L’impasse en Afghanistan, la situation trouble au Pakistan, le lancement d’une enquête criminelle sur la destruction par la CIA d’enregistrements vidéos d’interrogatoires des suspects («interrogatoires» pouvant être assimilés à de la torture), la résistance dans la bande de Gaza et au Liban, le renforcement de la position de l’Iran et de la Syrie dans la région, représentent autant d’échecs cuisants de la politique de George Bush.

A cela s’ajoute le fait que les économistes se demandent si les Etats-Unis entrent en récession où s’ils y sont déjà plongés? Une chose est certaine: «la crise immobilière américaine n’est pas terminée» (Henry Paulson, secrétaire américain au Trésor- Le Monde du 09/01/08). Pour l’économiste, Daniel Cohen, l’économie américaine a le choix entre: «effondrement du dollar ou krach boursier» (LM du 10/01/08). Inquiétant pour les Américains.

Les primaires aux Etats-Unis montrent que la bourgeoisie américaine s’inquiète fortement de l’étendue des dégâts causés par la politique de George Bush, dans le pays et dans le monde, et a hâte de tourner la page très peu glorieuse de la période Bush. Comme son protégé israélien, les Etats-Unis sont devenus synonymes d’agression, de non respect des lois internationales et de torture. Le «changement» est sur toutes les lèvres. C’est donc un Bush, représentant d’un pouvoir, oh combien discrédité et affaibli, qui arrive au Moyen-orient.

Que vient-il faire au Moyen-Orient? Président de la première puissance mondiale dont le «Soleil ne se couche jamais sur son armée», George Bush est entouré, épaulé et conseillé par les meilleurs spécialistes, universitaires et responsables politiques qui, comme Anthony Zinni, George Mitchell, George Tenet, ont fait de longs séjours à Jérusalem. Il connaît donc parfaitement la situation et ce n’est pas pour annoncer la naissance éventuelle d’un Etat palestinien avant janvier 2009 (après l’avoir promis pour 2005, puis pour 2008) qu’il effectue ce voyage. Ce n’est même pas pour s’émouvoir devant le mémorial de l’Holocauste, rappelant le génocide des juifs pendant la Seconde Guerre Mondiale. Car Bush et Olmert sont de vrais criminels de guerre. Une enquête publiée dans l’hebdomadaire médical britannique The Lancet avance, pour la période 2003-2006, le chiffre de 601027 décès par mort violente en Irak. De son côté, un rapport de B’TSELEM, organisation israélienne de défense des droits de l’homme, annonce, presque triomphalement, «la baisse du nombre de Palestiniens tués (53 mineurs et 131 personnes qui ne prenaient pas part directement aux hostilités) par l’armée israélienne en 2007». 373 en 2007 contre 657 en 2006 (LM du 11/01/08).

Tout indique que le premier objectif du voyage «historique» et de l’engagement de façade de Bush pour un gouvernement palestinien serait de conforter la position critique des gouvernements des pays arabes «amis», en difficulté face à leur opinion publique, majoritairement anti-américaine et pro-palestinienne. Ces gouvernements sont qualifiés de «collabos» par les populations, de plus en plus séduites par les thèses nationalisto-islamistes des opposants.

L’opinion publique des pays arabo-musulmans ne se fait aucune illusion quant à la nature de la «paix» proposée à Mahmoud Abbas. Soutenu par Bush, Olmert répète, à qui veut l’entendre: «Aussi longtemps qu’il y aura du terrorisme à Gaza, il sera très difficile de parvenir à un accord de paix avec les Palestiniens» (LM du 11/01/08). Et Bush d’enfoncer le clou, en s’adressant à Mahmoud Abbas: «Qu’allez vous faire»? En langage non diplomatique, cela signifie «éliminer le Hamas et vous aurez votre état croupion». Tout porte à croire qu’avant la proclamation d’un état palestinien à la botte d’Israël, une guerre (la guerre civile?) dans la bande de Gaza est programmée par le trio Bush- Olmert- Abbas.

La vraie raison du voyage de George Bush est ailleurs. Il arrive au Moyen-Orient pour ressouder les rangs lézardés de ses «amis» arabes démoralisés, pour les inciter à former un front uni, avec Israël, face à la montée de la résistance anticolonialiste dans la région. L’incident naval du 6 janvier du Détroit d’Ormuz, provoqué par la marine américaine contre les vedettes rapides iraniennes, avait pour objectif de rappeler aux monarchies arabes du Golfe Persique, vivant presque exclusivement des rentes pétrolières, que leur existence et leur «sécurité», dépendaient de leur soumission aux Etats-Unis et de la présence militaire américaine dans le Golfe. En effet, vu la faiblesse grandissante des positions colonialistes, les monarchies pétrolières se sont rapprochées de l’Iran. L’élection présidentielle libanaise est là pour nous rappeler que rien d’important ne peut se faire sans la participation de l’Iran et de la Syrie.

Pour autant, le voyage de George Bush peut-il être qualifié d’«historique»? La signature des «accords d’Oslo» est historique. Elle a permis de réunir, pour la première fois, autour d’une table, Israéliens et Palestiniens. Parrainé par George Bush, le processus d’Annapolis jouit-il de la même importance historique que celui d’Oslo? Voilà la réponse de l’éditorialiste des Dernières Nouvelles d’Alsace (DNA) du 8 janvier 2008 : «2008 ne verra pas la moindre solution, même pas pour le «processus d’Annapolis» (…) La visite de George Bush demain en Israël et en Cisjordanie n’aboutira à rien». La messe est dite!

6.1.08

Analyse 1 (2008)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 06 janvier 2008

cpjmo@yahoo.fr

Affrontement des empires au Moyen-Orient


Pourquoi Washington a-t-il saboté l’initiative française au Liban ?

Les dirigeants libanais n’arrivent plus à s’entendre sur le nom d’un candidat à la présidence, dont le siège est vacant depuis le 24 novembre 2007. Il serait faux de penser que cette mésentente ne concerne que la classe politique. Hormis deux vieux empires (l’Iran et la Turquie), tous les pays de la région: Afghanistan, Pakistan, Arabie saoudite, Syrie et Irak sont des jeunes pays, issus de l’éclatement de l’Empire ottoman, de l’Empire Perse et de l’Empire Indo- Musulman des Grands Moghols.

Ces pays n’étaient que des «régions périphériques», des «territoires», dominés par des chefs tribaux, des notables, obéissant au pouvoir central. Les puissances occidentales, qui ont profité de l’effondrement des Empires, ou participé à leur désintégration, ont soutenu les chefs tribaux, promus chefs d’état. Même le «républicain» Saddam Hussein puisait sa puissance dans sa tribu.

L’Afghanistan est le plus vieux des «jeunes pays» de la région. En effet, suite à l’effondrement simultané des Empires Perse et Moghol, les tribus afghanes ont pu créer leur propre royaume en 1747.

L’histoire de l’Afghanistan et du Pakistan fournit des informations intéressantes sur les conflits en cours. L’Afghanistan est une mosaïque de tribus, formée de Pachtounes, de Tadjiks, d’Ouzbeks, de Hazaras, etc. Le fragile consensus entre les ethnies afghanes, symbolisé par le roi, a été détruit par le coup d’état d’inspiration soviétique, suivi par l’intervention de l’armée rouge.

Pour chasser les Soviétiques, les écoles coraniques, mises en place par l’«ISI», le service secret pakistanais, ont formé des milliers de fondamentalistes pachtounes. Ces derniers ont pris le pouvoir, chassant les Tadjiks et leurs alliés Ouzbeks et Hazaras, qui, à leur tour, suite à l’intervention militaire des Etats-Unis, ont repris le pouvoir, chassant les Pachtounes. Actuellement, ces derniers, soutenus par une fraction des services secrets et de l’armée pakistanaise combattent l’étranger colonialiste. Dans la pratique, l’Afghanistan, en tant que pays souverain, n’existe plus. C’est le retour à la situation d’avant 1747, où l’Afghanistan n’était qu’un «territoire», une «zone tampon», siège de rivalités entre les empires.

Le Pakistan est né suite à l’effondrement de l’Empire indo- britannique. Ce pays est constitué de Mohajirs (réfugiés d’Inde dont est issu Pervez Musharraf), de Pendjabis et de Sindis, représentés par la famille Bhutto. Dans ce pays, les liens claniques sont plus puissants que la conscience nationale naissante. Du fait de la faiblesse de celle-ci, l’islam est devenu le ciment de l’unité nationale. L’assassinat de Benazir Bhutto a été imputé par son entourage à Pervez Musharraf, le Mohajir, qui, disait-on, ne souhaitait pas partager le pouvoir avec les Sindis. Les partis politiques sont d’une autre nature qu’en Europe. Le Parti du Peuple Pakistanais (PPP) a tout d’une organisation féodale. Après l’assassinat de Benazir Bhutto, son fils a été désigné pour lui succéder à la tête du parti, tandis que le gouvernement agit en vassal des Etats-Unis.

Une situation comparable peur être observée en Irak, où n’existe pas de classe dirigeante, représentative de la bourgeoisie. Saddam Hussein avait instauré un régime dictatorial, clanique et minoritaire. Son renversement a conduit à l’éclatement du pays et, comme dans les pays voisins, à sa transformation en simple «territoire», siège d’affrontement entre les empires.

L’Iran exerce son influence en milieu chiite et kurde. Les Etats-Unis, puissance dominante, n’y contrôle pas tout. Tout porte à croire que, pour combattre l’influence de l’Iran, les Etats-Unis ont autorisé les Turcs, soutenus par Israël, à intervenir au Kurdistan. Si par le biais du Hezbollah, armé et entraîné par l’Iran, ce pays est présent au nord d’Israël, ce dernier, quant à lui, est actif, aux côtés de l’armée turque, aux frontières ouest de l’Iran.

La structure clanique et tribale des jeunes Etats arabes du Golfe persique, empêche la formation d’une vraie classe politique, qui représenterait les différentes tendances de la bourgeoisie. Le maintien de ces états impose le recours à un régime despotique ou à une protection étrangère, ou aux deux à la fois. Autrefois arrière cours ou «territoires» des Empires orientaux, ces pays sont dorénavant «territoires» des Empires occidentaux.

Le Liban, ancien protectorat français, siège d’affrontement entre l’Occident et l’Orient, n’échappe pas à la règle. Deux camps se font face: celui, dit «majoritaire», est soutenu par l’Occident, tandis que les «minoritaires» le sont par l’Iran et la Syrie. La situation d’équilibre des forces en présence conduit à l’impossibilité de trouver un président. Après l’échec de l’agression israélienne de juillet- août 2006, les «minoritaires» ont pris le dessus et comptent monnayer leur victoire. La France, puissance moyenne, et ancienne puissance tutélaire du Liban, a tenté d’imposer ses solutions. Mais, selon L’Agence de Presse Arabe Syrienne du 24/12/07, Michel Aoun, chef du bloc parlementaire «changement et réforme», «a imputé à l’équipe au pouvoir au Liban sous les ordres de l’étranger la responsabilité de l’achoppement des solutions et l’échec de toutes les initiatives, affirmant l’attachement de cette équipe au projet américain».

Le sabotage des initiatives françaises au Liban par les Etats-Unis montre que les Américains n’ont pas que des adversaires orientaux au Liban. Mais, fidèle à sa nouvelle ligne, Nicolas Sarkozy s’est rangé derrière les Américains et a attaqué la Syrie, accusée de tous les maux.

Pour exister au Moyen-Orient, un pays doit être une puissance économique, technologique et militaire. C’est ce qu’a compris l’Iran, seule puissance souveraine du Moyen-Orient. Son dilemme: devenir une puissance à l’échelle mondiale ou disparaître.