9.4.12

Analyse 5 (2012)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 9 avril 2012

cpjmo@yahoo.fr

La lutte finale de la bourgeoisie nationale

des pays arabo-musulmans

En Afrique, au Proche et au Moyen-Orient, les flammes du mouvement de libération nationale se propagent sans cesse


Parti d’Iran en 1979, le séisme révolutionnaire qui secoue actuellement le Nord de l’Afrique, le Proche et le Moyen-Orient est le prolongement des révolutions bourgeoises démocratiques, commencées au dix-huitième siècle en Europe et en Amérique.

La particularité de cette vague de mouvement révolutionnaire est qu’elle est menée par une institution féodale (l’institution religieuse) contre l’ancien système- inféodé au colonialisme occidental- dont elle fait partie. Le retard pris par le mouvement d’émancipation a des causes internes-retard du développement économique et social- et externes : domination et répression féroce colonialistes.

La révolte des Iraniens en 2009 contre l’élection frauduleuse d’Ahmadinejad à la présidence de la république islamique a montré que le système mis en place par l’institution religieuse finit par se retourner contre elle-même. En effet, l’instauration de l’Etat de droit et la séparation de la religion et de l’Etat constituaient des exigences non avouées des contestataires qui demandaient en filigrane l’instauration de la République d’Iran.

L’Iran a une longueur d’avance sur le mouvement d’émancipation qui secoue le monde arabo-musulman et qui a hâte de suivre l’exemple iranien, seul à ses yeux, capable d’arracher lesdits pays de la léthargie féodale et coloniale.

Hormis les pouvoirs islamiques fantoches mis en place par les colonialistes américains en Irak et en Afghanistan, force est de constater que les «démocrates musulmans» s’emparent du pouvoir en Turquie, en Tunisie, en Egypte, au Yémen, en Jordanie et au Maroc, alors qu’ils frappent à la porte en Syrie, à Bahreïn et en Arabie saoudite.

Le mouvement de contestation des pays arabo-musulmans n’est pas un mouvement homogène et ses dirigeants semblent portés par des considérations d’ordre pragmatique. En effet, en Jordanie et au Maroc, les «démocrates musulmans» au gouvernement forment l’aile «collaborationniste» du mouvement et n’ont pas encore remis en cause ni l’autorité du roi despote ni sa soumission à l’ordre néocolonial. L’aile révolutionnaire et anticolonialiste attend son heure qui ne saurait pas tarder.

Le même phénomène s’observe également en Tunisie et en Egypte où les «frères musulmans» constituent la fraction majoritaire des démocrates qui ne remettent en cause ni l’hégémonie politique de l’armée- aux ordres des Etats-Unis- ni les «accords de paix» humiliant Egypte-Israël qui soumettent l’Egypte aux désidératas des Etats-Unis et d’Israël.

D’aucuns essaient d’interpréter ces mouvements en terme de lutte d’influence opposant différentes branches de l’islam, comme l’opposition entre l’Iran chiite et l’Arabie saoudite sunnite. Sans vouloir minimiser le jeu d’influence politique via le levier religieux, il est important de signaler que l’ensemble du mouvement d’émancipation s’inscrit, in fine, dans le cadre du conflit qui oppose l’Orient anticolonialiste à l’Occident colonialiste.

L’exemple syrien est là pour montrer que le pouvoir de Bachar Al-Assad s’appuie sur la Russie, la Chine et la république islamique d’Iran pour combattre la tentative de prise du pouvoir par des frères musulmans qui s’appuient sur des puissances étrangères, dont l’Arabie Saoudite, les Etats-Unis, la Turquie, Israël et les pays européens pour venir à bout d’un pouvoir dictatorial et répressif.

Il n’y a donc pas de place pour un conflit d’ordre religieux, même si certains «démocrates musulmans» mènent l’offensive contre l’ordre mis en place par les puissances colonialistes euro-américaines au nom d’un islam pur et dur.

Il faut rappeler que les potentats renversés en Tunisie et en Egypte se prétendaient garants d’un système, soutenu par l’«occident civilisé», en lutte contre le «terrorisme islamiste». Mais, le même Occident accepte aujourd’hui la gestion de ses intérêts par les ennemis «terroristes» d’hier.

Les flammes du mouvement de libération nationale se propagent sans cesse. La Somalie est en proie à une guerre civile incessante. Au Mali, les Touareg ont conquis le Nord du pays. Pour les colonialistes, il s’agit toujours de «terroriste islamistes» ou de salafistes intransigeants qui veulent instaurer la dictature religieuse et la charia, donc bons à bombarder sans ménagement pour prolonger l’hégémonie des puissances occidentales sur les voies de communication, les mines d’uranium, le pétrole et autres minerais et marchés juteux.

Une chose est sûre : les Etats-Unis et ses alliés européens sont obligés de composer avec l’aile dite modérée des «démocrates musulmans» pour gérer certains pays, même si lesdits pays ont encore un long chemin à parcourir jusqu’à la souveraineté politique.

La lutte sera longue et parsemée d’embuches. Certains pays, comme la Libye, retombent dans l’escarcelle du colonialisme tandis que d’autres, comme Bahreïn, l’Afghanistan ou l’Irak, sont envahis par des troupes étrangères.

Le mouvement de libération nationale à caractère musulman avance doucement dans les pays arabo-musulmans, et doit aboutir à l’instauration de régimes modernes et laïcs.

L’Occident colonialiste vit ses derniers jours qui peuvent paraître longs à l’échelle d’une vie mais qui paraîtront courts pour l’Histoire.

1.4.12

Analyse 4 (2012)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le premier avril 2012


cpjmo@yahoo.fr

La quatrième guerre mondiale

L’Iran ferait-il mieux que l’Union soviétique ?

L’effondrement de l’Union soviétique en 1991 a mis fin à la guerre froide et aux craints d’une déflagration nucléaire, connue également sous le nom de «troisième guerre mondiale».

La guerre froide a été menée sur trois plans : financier, militaire et idéologique.

Sur le plan financier, dés le départ l’Occident était en position de force. En effet, à l’échelle planétaire, tous les circuits financiers sont contrôlés par les Etats-Unis, la plus grande puissance économique et financière mondiale, produisant 50% des richesses mondiales à la fin de la deuxième guerre mondiale.

De son côté, le camp dit socialiste contrôlait un immense territoire, allant de la Corée du Nord jusqu’en Allemagne de l’Est, englobant, avec la Chine, presque la moitié de la population mondiale. Cet immense territoire, sorti d’une longue guerre de destruction massive et de pillage colonialiste-la Corée du Nord, la Chine, le Vietnam- était arriéré socialement et technologiquement et peuplé de gens pauvres. Il n’a jamais pu menacer sérieusement la suprématie économique et financière de l’Occident opulent qui a perdu ses colonies africaines, moyen-orientales ou asiatiques, en s’enrichissant au cours des siècles sur le dos des peuples libérés. De son côté, l’Union soviétique et les pays d’Europe de l’Est sont sortis exsangues de cinq années de guerre d’agression nazie.

Sur le plan militaire, la course aux armements a hissé l’Union soviétique au deuxième rang des pays exportateurs d’armes. Mais la course à la conquête spatiale et aux armements toujours plus sophistiquée-missiles intercontinentaux équipées de têtes nucléaires, sous marin nucléaires lanceurs de missiles et autres croisières et navires de guerre indispensables pour concurrencer la suprématie américaine-ont fini par épuiser financièrement le bloc soviétique qui s’endettait de surcroit auprès des institutions financières occidentales.

Sur le plan des valeurs, une dictature policière assurait la survie d’un capitalisme d’Etat dans les pays du «camp socialiste». Les responsables politiques et membres du parti formaient une caste privilégiés alors que le peuple s’épuisait, pour s’approvisionner, dans les queues interminables devant les magasins d’état mal achalandés. Malgré la dictature, la contestation de l’ordre dit socialiste, parti des pays d’Europe orientale, le droit de vivre librement sans craindre les intrusions ou les perquisitions de la police politique dans la vie privée ou associative n’a jamais cessé. L’absence de l’état de droit, les arrestations arbitraires et les prisonniers de conscience étaient régulièrement montrés du doigt par la propagande occidentale. Le mouvement démocratique des peuples du «camp socialiste» a fini par submerger l’Union soviétique qui s’est effondré en 1991.

Afin d’expliquer l’effondrement du «camp socialiste», d’aucuns voudraient privilégier les agissements des services occidentaux. Sans vouloir minimiser lesdits agissements, l’effondrement a plutôt des causes internes, liées à l’incurie d’un système basé sur le tout répressif et sécuritaire, ignorant l’idéal démocratique tant vanté par les fondateurs du communisme.

L’effondrement de l’Union soviétique a consacré la victoire du système économique, financier et moral capitaliste qui domine principalement en Europe occidentale et en Amérique du Nord.

La «troisième guerre mondiale» était un jeu d’échec à l’échelle planétaire où les protagonistes s’observaient, s’affrontaient dans différents pays, échangeaient des coups par armées ou mouvements nationalistes, sécessionnistes, subversifs étrangers interposés ; s’intimidaient par des parades militaires ou en valorisant leurs forces militaires et technologiques. La fin de la partie a été sifflée en 1991 et depuis, les territoires de l’Empire soviétique ont été régulièrement dépecés et repris, les uns après les autres, par l’Empire occidental mené par les Etats-Unis qui a installé ses bases militaires dans l’arrière cours de la Russie, dans le Caucase et en Asie centrale.

La chute de l’Union soviétique ne signifie pas la fin des mouvements de libération nationale en Afrique, au Proche et au Moyen-Orient qui continuent de souffrir de l’intervention militaires et autres ingérences des puissances occidentales. Comme nous l’avons écrit dans le communiqué n° 34 du 20 mai 2007 : «Non seulement le Pakistan, mais tous les régimes proaméricains en Orient sont de plus en plus contestés et, ce n’est un secret pour personne, ils sont assis sur un volcan».

Chronologiquement, le début de l’explosion du «volcan» date de 1979 : le renversement du régime du Chah d’Iran, serviteur des Etats-Unis, et la victoire de la révolution islamique d’Iran. Cette date annonce l’ouverture d’un nouveau jeu d’échec à l’échelle planétaire. C’est une période d’instabilité émaillée de guerres Irak-Iran, Irak- Koweït, Occident-Irak et de guerres colonialistes, occupation de l’Irak et de l’Afghanistan. Depuis 2011, la Tunisie, l’Egypte, la Libye, le Yémen, le Bahreïn, l’Arabie saoudite et la Syrie sont, à leur tour, en éruption.

En Egypte, en Tunisie, en Libye et au Yémen, l’Occident a subi des coups sans perdre l’Afrique du Nord. En effet, le renversement des potentats égyptien, tunisien et yéménite n’a pas atteint les armées desdits pays qui restent fidèles aux Etats-Unis. La Libye a été reconquis (recolonisée) par les puissances occidentales. L’agitation perdure à Bahreïn et au sud de l’Arabie saoudite et tout porte à croire que la situation est sous contrôle des Etats-Unis, pour le moment du moins.

La percée des Etats-Unis achoppe sur la résistance du «camp iranien» qui résiste en Syrie et qui met à profit le discrédit des Etats-Unis en Irak, en Afghanistan et au Pakistan pour porter des coups à l’Empire occidental. Dans cette aventure, l’Iran est soutenu par la Russie, la Chine et l’Inde dont la souveraineté politique est sérieusement menacée par une éventuelle mainmise américaine sur l’Iran.

Comme pendant la période de la «troisième guerre mondiale», deux camps font face : d’un côté les Etats-Unis et ses alliés occidentaux, principalement britanniques, français, allemands et israéliens et de l’autre, l’Iran, la Russie, la Chine et l’Inde. Les trois derniers pays ont de forts liens économiques et financiers avec les Etats-Unis. Comme jadis, des manœuvres d’intimidation ont lieu dans le Golfe Persique, en Mer d’Oman, dans le détroit d’Ormuz, dans le détroit de Bab al Mândab ou en Méditerranée où des navires de guerre et des sous marins se croisent. Chacun montre ses muscles et tout le monde est conscient qu’une déflagration ne se limitera pas à l’Iran, au centre du jeu d’échec.

C’est la «quatrième guerre mondiale» qui a lieu sous nos yeux. Le camp occidental agit comme avant : blocus économique et financier-pétrole et banque centrale- contre l’Iran. Encerclement militaire, provocation des minorités ethniques kurde, azéri ou baloutche ; guerre de valeurs : démocratie contre charia moyenâgeuse, droit des femmes, etc.

S’il est vrai que l’Iran et ses alliés syriens, libanais, irakiens ou afghans ne sont pas en position de force morale, ils se battent pour leur souveraineté politique et territoriale. Et ça change tout. L’industrie militaire iranienne se développe et ses missiles deviennent de plus en plus précis. Ses navires de guerre se rendent dans les ports syriens et ses sous marins-de fabrication locale- sont allés jusqu’à Bab al Mândab. Prélude à l’arrivée prochaine de la flotte de guerre iranienne en Méditerranée ? Mais l’économie iranienne souffre des mêmes maux que ceux de l’économie capitaliste des pays dits émergeants : gaspillage, corruption et mauvaise gestion d’un clan dirigeant avide de pillage.

Pour l’instant, malgré le blocus, l’Iran n’a pas de dettes. Mais, avec le développement industriel et technologique, le régime actuel arrivera-t-il à régner comme avant ? Le peuple iranien est avide de libertés démocratiques et, à chaque occasion, il le fait savoir. L’Empire occidental est conscient de sa puissance relative et des faiblesses du régime des mollahs et attend sa chute. Ces derniers misent sur la décadence de l’Empire occidental endetté et discrédité. L’avenir proche nous dira qui gagnera la «quatrième guerre mondiale»?