12.5.09

Analyse 9 (2009)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 12 mai 2009


cpjmo@yahoo.fr


La guerre de deux cent ans


Quelle pourrait être la nature du dialogue américano-iranien ?



On aurait pu choisir un autre titre: y aura-t-il un jour la paix entre l’Occident et l’Orient? En effet, depuis deux siècles (1809-2009), l’Occident mène, pour son hégémonie mondiale, des guerres meurtrières et dévastatrices en Orient. C’est la guerre de deux cent ans!


Au dix-neuvième siècle, l’Hindou-Kouch, la barrière naturelle, séparant l’Asie maritime de l’Asie continentale, constituait le rempart de l’empire des Indes face à l’expansionnisme russe. L’Afghanistan, pays relativement puissant, formait le pays tampon, entre les armées russe et britannique. Cela n’a pas empêché cette dernière d’imposer trois guerres au royaume des Afghans.


Depuis la victoire des révolutions chinoise (1949), indienne (1947) et iranienne (1979) et l’effondrement de l’URSS, la donne a complètement changé. En effet, face à l’Occident, se dressent actuellement quatre puissances régionales, voire mondiales, russe, chinoise, indienne et iranienne. Pays frontalier des quatre puissances citées, l’Afghanistan s’est transformé en rempart de l’hégémonie occidentale, menée par les États-Unis, qui conduisent plusieurs types de guerre.


1- La guerre d’invasion : c’est l’effondrement de l’URSS qui réactiva ce type de guerres dans les Balkans, au Moyen-Orient et en Afrique, avec sa cohorte d’expéditions militaires. La conquête de l’Irak et de l’Afghanistan fut la plus stratégique, spectaculaire et coûteuse.

En installant de multiples bases militaires en Irak et en Afghanistan, les Etats-Unis contrôlent désormais les espaces aériens et terrestres de ses quatre puissances rivales.


Les guerres en Irak et en Afghanistan sont des guerres de conquête coloniale dont le premier bénéficiaire est le complexe militaro-industriel et les entreprises affidées. Il serait naïf de croire à la volonté de reconstruction des pays conquis.


Les peuples des pays conquis ne se trompent pas quant à la nature de la présence étrangère dans leur pays. La résistance en Irak continue de harceler les forces d’occupation et la guerre d’Afghanistan s’étend désormais au Pakistan, transformé en maillon faible de la coalition colonialiste.


Le sommet de Washington, réunissant Karzaï, Zardari (Pakistanais) et Obama, les 6 et 7 mai, ne fera qu’aggraver les tensions régionales, au détriment des colonialistes. Voici ce que dit l’éditorial du Monde du 09/05/09 : «L’exercice avait déjà été tenté par George Bush. Il n’a guère été concluant». Ledit exercice arrive après la soi-disant «dépolitisation», c’est-à-dire la fermeture, en novembre 2008, de la «branche politique» de l’Inter Services Intelligences (ISI), les services secrets militaires pakistanais.


Les bombardements aveugles des populations civiles et l’utilisation des bombes à l’uranium appauvri dénotent du caractère purement militaire des objectifs.


2- Guerre par pays satellites interposés : c’est surtout le cas des guerres menées par Israël contre les pays arabes «ex-rebelles» et contre la Palestine toujours rebelle. L’Egypte et la Jordanie se sont rangées, tandis que le Liban et la Palestine continuent de résister.

D’aucuns prétendent qu’Israël est un pays puissant, alors qu’il manque cruellement de ressources et de réseaux d’influence dans la région. La puissance d’Israël émane de son soutien américain qui se sert d’Israël pour maintenir son hégémonie au proche et Moyen-Orient. L’affaiblissement des Etats-Unis n’est pas sans conséquence sur Israël qui a échoué au Sud Liban, à l’été 2006 et à Gaza en décembre 2008- janvier 2009. Les mouvements de résistance anticolonialistes gagnent en puissance et en audience, fixant l’armée israélienne au nord et au sud d’Israël. Tout le territoire israélien est désormais à la portée des missiles libanais et syriens. Le temps est révolu où ce pays pouvait gagner trois guerres en 6 jours.


Il est à souligner qu’avec le renforcement militaire des résistances anticolonialiste aux frontières d’Israël, face à l’intransigeance des Américano-israéliens, de nouvelles déflagrations sont à craindre.


La Géorgie est un autre exemple de pays satellite qui a essayé d’intimider militairement le géant russe pendant l’été 2008. Suite à une guerre très asymétrique et mal calculée, la Géorgie a perdu ses deux provinces septentrionales. Des manœuvres militaires communes OTAN-Géorgie, depuis le 06 mai, montrent l’importance attachée par l’Occident à la Géorgie, verrou stratégique qui coupe la marche de l’armée russe vers le sud du Caucase et de ses bases en Arménie.


3- Intrusion économique : C’est une troisième tactique qui permet aux puissances occidentales de s’introduire dans une région ou de la soumettre. Etant donné la puissance militaire écrasante russe, différentes tentatives du type «partenariat oriental», initié par l’Union européenne et prévu le 7 mai 2009, sont entreprises pour étendre l’influence occidentale dans le Caucase. La pression exercée par la Russie sur ses alliés a empêché la Biélorussie et la Moldavie de participer, à un haut niveau, au sommet de lancement du «partenariat oriental». Pour la Russie, l’union européenne tente d’élargir sa «sphère d’influence» dans la région.

Invasion territoriale, guerres par satellites interposés, intrusion économique, manœuvres militaires, complots de «velours» et provocation des minorités ethniques et religieuses, forment une vaste panoplie de moyens employés par l’Occident depuis plus de deux siècles en Orient. Dans ce contexte de guerres sans fin, que vient faire le dialogue entre les États-Unis d’une part et la Russie ou l’Iran, d’autre part? En guise de bonne volonté, les Américains auraient pu commencer par démanteler leur centaine de bases militaires qui encerclent l’Iran et par retirer leurs porte-avions et autres sous marins nucléaires du Golfe persique.


Si l’Iran est technologiquement moins développé que les trois autres puissances, il dispose, de l’Afghanistan à la Méditerranée, d’un vaste réseau d’influence régionale populaire qui compense sa faiblesse technologique. L’Iran a même installé des missiles en Érythrée. Le dialogue américano-iranien peut porter sur plusieurs volets :


1- Imposer des conditions à l’Iran afin d’exercer des pressions, pour pousser ce pays à céder aux désidératas américains. Cette politique, testée sous l’administration Bush, a échoué.

2- Négocier sans conditions pour régler certains contentieux ne nécessitant pas le recours systématique à la force, en Irak, en Afghanistan, au Liban ou en Palestine. Ce dialogue a ses limites. En effet, seul le rapport de forces militaire permet de déterminer les contours de chaque puissance sur le terrain. Pourquoi faut-il créer un Etat palestinien si les Palestiniens ne sont pas en mesure de s’imposer? Pourquoi rendre les hauteurs du Golan, si la Syrie n’est pas en mesure de les récupérer? Faut-il souligner que ce type de dialogue n’empêchera pas le recours à la guerre destinée à imposer ou à élargir les zones d’influence.

3- Entraide forcément mutuelle, contre un ennemi commun. C’est le cas de la résistance afghane. Ne souhaitant pas la victoire de la résistance, l’Iran et la Russie sont prêts à «aider»- avec des contreparties- les Etats-Unis à convoyer du matériel via leur territoire. D’autant plus que cette guerre fixe les forces militaires américaines dans le bourbier afghan et, à long terme, contribuera à affaiblir les Etats-Unis sur le plan militaire, financier et économique. Un rappel historique : la Grande Bretagne et la France, deux anciennes puissances colonialistes, se sont épuisées dans des guerres colonialistes interminables et lors des deux guerres mondiales.

L’aide apportée aux États-Unis n’empêchera pas l’Iran et la Russie de soutenir, en sous main, certaines fractions de la résistance afghane. «Réal politique» exige.


4- A son tour, le dialogue avec l’Iran permettrait aux Occidentaux de trouver les failles leur permettant d’affaiblir les liens entre l’Iran et la Russie, leur adversaire principal depuis deux siècles.

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