11.3.10

Analyse 3 (2010)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 11 mars 2010


cpjmo@yahoo.fr


Occident- Iran :


bataille pour des zones d’influence



Invectives, blocus en tout genre et menaces militaires : tout porte à croire que le torchon brûle entre l’Occident, en particulier les États-Unis, la France, la Grande Bretagne, l’Allemagne, d’une part et l’Iran, d’autre part.



Comme nous l’avons développé dans nos analyses, avec la Russie, la Chine et l’Inde, l’Iran fait partie de ces quatre puissances euro-asiatiques qui occupent des positions géostratégiques sur les routes maritimes et terrestres en Asie, en Asie centrale, au Moyen-Orient et dans l’Océan indien.


L’Occident, puissance mondiale depuis deux siècles et dirigé actuellement par les Etats-Unis, cherche tous les moyens pour perpétuer sa domination planétaire. Cette domination n’est possible que si les adversaires hostiles sont, soit réduits au silence et neutralisés par des pressions militaires, diplomatiques et économiques, soit intégrés dans le «système» par différentes émulations. Au passage, lesdits adversaires perdent quelques plumes de leurs souverainetés politiques et économiques.


Après l’écroulement de l’Union soviétique, l’Inde a été lentement «intégrée». Son arsenal nucléaire et sa marine assurent actuellement la «sécurité» des voies de communication dans l’Océan indien et en mer d’Oman. A l’été 2006, les navires de guerre indiens ont été envoyés au Moyen-Orient pour participer au blocus des côtes libanaises. La confiance règne !


De son côté, la Chine, liée stratégiquement aux États-Unis et au monde occidental, a été également «apprivoisée» ; elle s’est transformée en «atelier du monde» et finance le déficit colossal américain. Des liens économiques très puissants la lient à la finance mondiale, dominée par l’Occident.


Quant à la Russie, la présence de bases militaires américaines en Europe de l’est et en Asie centrale montre bien que son «espace vital» se réduit comme une peau de chagrin, pire qu’avant la révolution bolchévique de 1917, époque où la Russie dominait encore cette contrée. De plus, comme le Japon, la Corée du sud et la Chine, la Russie est devenue acheteur de bons du trésor américain.


Il est à souligner qu’«apprivoiser» les adversaires ne signifie guère la disparition des antagonismes qui surgissent à la moindre occasion. En diplomatie, la confiance absolue n’existe pas.


Reste l’Iran qui occupe une position très stratégique au Moyen-Orient. Cette puissance «endormie» depuis deux siècles, vient de se réveiller depuis la révolution de 1979. Son influence s’étend depuis les frontières chinoises jusqu’au Liban, situé sur la rive est de la Méditerranée. Ses réseaux d’influence au Liban, en Irak, en Afghanistan et dans les pays d’Asie centrale et les pays arabes du Golfe persique en font un redoutable adversaire. Le retrait des troupes américaines d’Irak est tributaire de la coopération avec l’Iran. En effet, les différents groupes de résistance, en particulier ceux chiites, écoutent Téhéran, qui cogère, de fait, l’Irak avec les États-Unis.


Le même phénomène s’observe en Afghanistan où l’influence de l’Iran parmi différentes ethnies, en particulier persanophones, et groupes de résistance, est indéniable. Les dirigeants pakistanais et afghans sollicitent les États-Unis pour collaborer avec Téhéran, qui a déjà investi des centaines de millions de dollars à l’ouest de l’Afghanistan, devenu le marché des produits iraniens.


De surcroit, l’Iran occupe une position stratégique au nord du détroit d’Ormuz, par où transite plus de 14 millions de barils de pétrole par jour.


Entre l’Occident et l’Iran rebelle, les tensions pour des zones d’influence sont très vives. Tout porte à croire que les États-Unis et l’Iran se sont entendus sur la zone d’influence iranienne en Irak, dont le marché regorge de produits iraniens. Reste l’Afghanistan, le Golfe persique et l’est de la Méditerranée (La Syrie, le Liban et la Palestine).


Malgré la présence massive de la marine occidentale et iranienne dans le Golfe persique, les deux parties semblent adopter une position qui consiste à éviter les tensions ou les affrontements armés. En effet, ce sont les économies iranienne et mondiale qui en souffriraient considérablement.


La Syrie et l’Iran sont liés stratégiquement. La Syrie est devenue le marché des produits industriels et militaires iraniens, dont les missiles, qui ont montré leur efficacité lors de la guerre du Liban à l’été 2006. Le Hezbollah libanais, un État dans l'État libanais, équipé de matériels de guerre et de financement iraniens, a montré sa solidité depuis la guerre de l’été 2006. Il est désormais le vecteur d’influence de l’Iran au nord d’Israël.


L’armée israélienne, incapable de gagner contre des milices comme le Hezbollah ou le Hamas, ne semble plus en mesure de mener une guerre d’envergure contre la Syrie ou l’Iran, aux conséquences incalculables.


Le rapprochement de la majorité libanaise du Hezbollah et de la Syrie, l’éloignement de la Turquie d’Israël et l’arrivée d’un ambassadeur américain à Damas sont autant d’indices qui révèlent que la situation a changé au Moyen-Orient. En effet, ce ne sont pas la Syrie ou le Hezbollah libanais qui ont changé de politique. Mais bien les États-Unis et leurs soutiens libanais (la majorité libanaise) qui ont pris le virage du changement de rapports de force qui s’imposait. Autrement dit, les États-Unis et leurs alliés européens ont fini par accepter qu’ils ne sont plus maîtres absolus de la région et qu’ils doivent respecter le rôle et la zone d’influence de l’Iran et de la Syrie à l’est de la Méditerranée.


Quoi qu’il en soit, l’affaiblissement et le discrédit mondial américains ont conduit les États-Unis à chercher le soutien de la Syrie et surtout de l’Iran en Irak et bientôt en Afghanistan. Actuellement, la coopération des États-Unis avec l’Iran et la Syrie prime sur un affrontement militaire. Une modification de la donne politique en Palestine semble indispensable.


Israël et ses soutiens va-t-en guerre américains ne semblent pas avoir accepté la modification des rapports de force au Moyen-Orient. Pour cacher sa mauvaise foi et continuer la colonisation de la Cisjordanie, Israël agite le danger du nucléaire iranien. Il poursuit la même politique que celle qu’il poursuivait sous l’administration Bush. Arrivera-t-il à prendre ce virage sous l’administration Obama, dont les intérêts stratégiques diffèrent de ceux d’Israël ?


L’intransigeance israélienne, appuyée par l’aile la plus réactionnaire et militariste de la bourgeoisie américaine, renferme les germes d’un nouveau conflit au Moyen-Orient.

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