7.6.09

Analyse 11 (2009)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 07 juin 2009


cpjmo@yahoo.fr


Discours du Caire de

Barack Obama



Débutée mercredi 03 juin 2009, la tournée moyen-orientale d’Obama en dit long sur l’image désastreuse des Etats-Unis et son isolement international. Pour comprendre le sens des soi-disant «ton apaisant et volonté de réconciliation» d’Obama, un rappel des huit années Bush est nécessaire.


Dans l’analyse 11 du 04 mai 2008, intitulée : «La diplomatie américaine au Moyen-Orient est un champ de ruines», nous avons écrit : «La politique qui a permis à l’administration Bush d’asseoir l’autorité musclée des Etats-Unis dans le monde, a plusieurs composantes : «une hyperutilisation de la force, presque sans limite»*, «des actions unilatérales et souvent illégitimes»*, «un mépris toujours grand»* du droit international, l’ingérence dans les affaires intérieures des nations souveraines, des menaces d’interventions militaires et de bombardement, le développement général de la torture, de la corruption et de la gabegie dans des pays occupés par les Etats-Unis et leurs alliés, etc.»


Par ailleurs, aux yeux des peuples arabo-musulmans, la campagne militaire agressive de l’administration Bush et de ses alliés «judéo-chrétiens» ressemblait, à s’y méprendre, à une nouvelle croisade: conquête de deux pays musulmans (Afghanistan et Irak), guerre d’Israël contre le Liban en 2006, guerre d’Israël contre la bande de Gaza en décembre 2008- janvier 2009, bombardement d’un site en Syrie, intervention militaire de l’Ethiopie en Somalie, menace permanente de bombardement nucléaire contre l’Iran, vassalisation des pays arabes (Arabie saoudite, Egypte, Jordanie, etc.).


Suite à l’impasse de l’unilatéralisme, au discrédit américain, au développement de la résistance anticolonialiste, à l’extension de la guerre au Pakistan, à la fragilisation des «amis» régionaux des Etats-Unis et à la crise économique, la campagne électorale du candidat Barack Obama s’est construite sur la critique de la politique de l’administration Bush. Barack Obama élu président, sa politique étrangère se veut l’antithèse de celle de Bush à l’échelle internationale en général et moyen-orientale en particulier. Le 04 juin, fidèle à son engagement, il a prononcé un discours à l’université du Caire, invitant à un «nouveau départ» entre l’Amérique et le monde arabo-musulman(1).


Faut-il rappeler que ce sont les Etats-Unis qui sont en guerre contre le monde entier et non pas l’inverse. Leurs centaines de bases militaires disséminées au Moyen-Orient et en Asie centrale hébergent des centaines de milliers de militaires. Leurs nombreux porte-avions, sous-marins et autres navires de guerre, emportant des milliers de tonnes d’armes classiques et nucléaires sophistiquées, patrouillent au large des pays du Moyen-Orient, en Méditerranée, en mer Noire, en Océan indien. Cette armada planétaire révèle l’appétit conquérant et hégémonique du colonialisme américain qui a mis une vaste région du monde à feu et à sang.


Réconciliation, c’est l’action de rétablir l’amitié. C’est donc mettre fin à l’hostilité. C’est donc quitter immédiatement les pays envahis et colonisés (l’Irak et l’Afghanistan) et les dédommager. Réconciliation, c’est fermer définitivement ses bases militaires au Moyen-Orient et en Asie centrale, rapatrier les centaines de milliers de militaires américains. Réconciliation, c’est retirer ses navires de guerre et ses sous marins nucléaires des eaux territoriales des pays souverains du Proche et du Moyen-Orient et cesser d’être une menace permanente pour leur sécurité et souveraineté. Réconciliation, c’est arrêter immédiatement l’ingérence dans les affaires intérieures des pays souverains et mettre fin à trente années d’embargo contre l’Iran.


Or, il y a un fossé monumental entre les déclarations «apaisantes» et soporifiques d’Obama et la réalité du terrain. En effet, renforçant le potentiel militaire des colonialistes et militaristes occidentaux dans la région, Nicolas Sarkozy vient d’inaugurer la nouvelle base militaire française à Abu Dhabi, à 250 km des côtes iraniennes. Il est à souligner que cette base navale ne pouvait se construire sans l’accord des Etats-Unis. Est-ce cela la «main tendue»?


Depuis deux siècles, les peuples de la vaste région du Moyen-Orient et de l’Asie centrale mènent une vie cauchemardesque sous les bottes des militaires américano-britanniques et des états fantoches à leur solde et ne se laisseront pas impressionner par quelques discours soporifiques.


Sceptique, la «rue arabe» n’a pas tardé à réagir au discours du Caire d’Obama. Patrice Claude, journaliste au Monde, écrit ainsi dans Le Monde du 04 juin 2009: «Dans le pays arabe le plus peuplé (80 millions d’âmes), il serait erroné de croire que M.Obama est attendu comme le messie». Il rapporte les propos d’un jeune fonctionnaire de 27 ans: «Il est d’abord le chef des Américains. Il s’en prendra aux musulmans si cela fait l’affaire d’Israël…»


En occident, certains pensent que la politique de la «main tendue» ou celle de «nouveau départ» signifie le changement radical de la politique étrangère américaine. Comme si l’armée israélienne allait se retirer de tous les territoires occupés et l’Etat palestinien se constituer par un claquement des doigts d’Obama !

Robert Gates, le secrétaire à la défense américaine, utilisant le même vocabulaire, dit: «Je suis venu à la conviction qu’un regard nouveau est dans notre meilleur intérêt». Le «regard nouveau» du secrétaire à la défense consiste à remplacer le général McKierman, un militaire qualifié d’assez classique, par un expert des forces spéciales, épaulé par le général David Rodriguez, décrit comme un bulldozer(2). Le massacre des civils continuera plus efficacement en Afghanistan et les demandes répétées d’Hamid Karzaï pour la suspension des opérations aériennes, causes des «dégâts collatéraux» contre les civils, sont rejetées par la partie américaine(2).


L’expérience montre que le «nouveau départ» d’Obama décevra rapidement et, face à l’intransigeance des Américano-israéliens, la résistance anticolonialiste ira crescendo. Les risques d’une nouvelle déflagration au Moyen-Orient sont toujours d’actualité.


*Termes prononcés par Poutine, le 10 février 2007 à la Conférence de Munich- Courrier international du 22 au 28 février 2007. On peut détester Poutine, mais son analyse est pertinente.

1- Le Monde du 06/06/09.

2- LM du 13/05/09.

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