29.12.07

C.67- La poudrière du Moyen-Orient

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 30 décembre 2007

cpjmo@yahoo.fr

La poudrière du Moyen-Orient


L’horrible assassinat de Benazir Bhutto marque l’échec total de la politique Bush au Moyen-Orient. C’est le signe que toute solution entre le gouvernement de Pervez Musharraf et les «nationalisto-islamistes» est désormais exclue.


Au moment où l’année 2007 touche à sa fin, quel est le bilan de l’action des Etats-Unis au Proche et Moyen-orient? Par où commencer? Par la Palestine et le Liban? Par l’Irak, le Kurdistan irakien et l’Afghanistan? Ou par le Pakistan, où, le 27 décembre, un attentat a coûté la vie à Benazir Bhutto, chef de l’opposition, soutenue par les Etats-Unis?

A l’origine, l’intervention militaire américaine au Moyen-orient et en Asie centrale devait créer une vaste zone de sécurité, source d’énergie et carrefour stratégique pour le transport du pétrole et du gaz, indispensables au monde en général et à l’Occident en particulier.

Loin de ces objectifs, la situation s’est dégradée, devenant vite incontrôlable en Irak et en Afghanistan. Ce n’est plus un secret pour personne qu’en Irak l’armée américaine, la plus puissante du monde, s’est enlisée; tandis que la résistance afghane s’oppose à l’OTAN, première alliance militaire du monde, comme elle l’a fait avec les Britanniques aux XIXe siècle, puis avec les Soviétique dans les années 1980.

Pire, contrairement aux plans et souhaits des Etats-Unis, deux nouveaux fronts se sont ouverts au Kurdistan irakien et au Pakistan. L’allié turc impose son agenda, même si les Kurdes d’Irak ont adopté un profil bas. Signe de la faiblesse croissante des positions américaines en Irak, les Turcs ne comptent pas en rester là et vont probablement intensifier les opérations militaires, jusqu’à pousser le «Kurdistan autonome» à s’impliquer militairement. Ce sera le début de la fin du «gouvernement kurde», si cher aux néoconservateurs qui comptaient créer une vaste base militaire américaine (centre d’écoute, base de lancement de missiles, etc.) en plein cœur du Moyen-Orient, à la frontière iranienne et turque. Et là aussi, ce sont malheureusement les populations kurdes qui vont trinquer.

Si les colonialistes ont changé de discours et interviennent militairement pour défendre les «droits de l’homme», ils n’ont pas vraiment changé de méthode. Ce sont toujours les vieilles recettes, maintes fois expérimentées, généralement sans succès, qui sont appliquées maintenant en Irak et en Afghanistan. Dans ce dernier pays, les Américains ont fini par comprendre qu’on ne peut gagner les cœurs et les esprits à coup de porte-avions et de bombardements. Deux instruments ont été mis en place: les OMLT, équipes militaires chargées de l’instruction des forces afghanes, et les PRT, «équipes provinciales de reconstruction» (Laurent ZECCHINI- Le Monde du 21/12/07). Or, écrit le journaliste, c’est une approche directement inspirée de celle du programme «Cords», appliqué par les Etats-Unis au Sud-Vietnam dans les années 1970. Pourtant la situation s’envenime, à tel point que Nicola Sarkozy intervient pour encourager les troupes françaises démoralisées et prétendre que: «l’échec n’est pas une option.» C’est la même rengaine que pendant la guerre d’Algérie.

Dans le communiqué 44 daté du 22 juillet 2007, intitulé «la myopie des colonialistes», nous avions comparé la situation en Afghanistan et au Pakistan à celle qui prévalait en Iran des années 1950. Voici des extraits de ce communiqué: A peine 5 ans après la conquête relativement facile de l’Irak et de l’Afghanistan, «l’incendie afghan déborde les frontières et se propage au Pakistan, où, pour asseoir son autorité, le général- président Pervez Musharraf, se détournant de l’opposition laïque, signait le 5 septembre 2006 un «accord de paix» avec ses islamistes.

Il n’en fallait pas plus pour que les talibans afghans et pakistanais se renforcent, étendant leurs tentacules de part et d’autre de la frontière. Il en a fallu des dizaines de militaires occidentaux, tués dans des attentats en Afghanistan, puis le retour des talibans, pour que l’administration Bush impose un changement de stratégie à Pervez Musharraf. L’écrasement de la révolte de la «mosquée Rouge» marque le virage pris par le gouvernement pakistanais, qui se tourne en même temps vers son ex-ennemi, le Parti du peuple pakistanais (PPP), l’opposition laïque conduite par Benazir Bhutto.

Il est à souligner que la politique de complaisance vis à vis des islamistes, avait eu l’assentiment de l’administration Bush qui «comprenait» les contraintes stratégiques du gouvernement pakistanais. Suite à l’échec patent de ladite politique, voici la nouvelle position de l’équipe Bush envers Pervez Musharraf: «Nous le pressons d’aller plus loin et nous apportons notre plein soutien à ce qu’il envisage» (Stephen Hadley, conseiller à la sécurité nationale de Bush- Le Monde du 17/07/07). Une remarque: Qui dirige la politique pakistanaise: Bush ou Musharraf?

La nouvelle politique devrait sauver du naufrage le gouvernement Musharraf, éviter la «talibanisation» du Pakistan et maintenir ce dernier sous la férule des Etats-Unis. Pourquoi la nouvelle politique sera-t-elle plus favorable au couple Bush- Musharraf que la première? N’est-il pas déjà trop tard? » L’assassinat de Benazir Bhutto montre que c’est déjà trop tard.

«Souvenons-nous de l’intervention américaine en Iran de 1953: elle nous fournit un exemple éclatant de la myopie des colonialistes en politique étrangère. En écrasant le mouvement nationaliste et laïc du Dr. Mossadegh, les Etats-Unis n’ont-ils pas favorisé l’émergence, en 1979, des islamistes iraniens menés par Khomeiny? En 2007, en neutralisant puis en discréditant le Fatah de Mahmoud Abbas, les américano- israéliens déroulent un tapis rouge devant le Hamas en Palestine.»

L’horrible assassinat de Benazir Bhutto marque l’échec total de la politique de l’administration Bush au Moyen-Orient. C’est le signe qu’il n’y a plus d’autre solution entre le gouvernement de Pervez Musharraf et les «nationalisto-islamistes». Comme en Afghanistan, la lutte pour le pouvoir sera acharnée et longue, entre un pouvoir discrédité et affaibli, mais soutenu par l’occident et une résistance animée de sentiments nationalistes et religieux. L’éditorial du 28 décembre des Dernières Nouvelles d’Alsace (DNA), résume la situation: «Le dernier «domino» pro-occidental tenu à bout de bras par Washington, malgré les errements de Pervez Musharraf, tombera tôt ou tard ou se désagrégera dans la guerre civile

Ce qui est vrai pour le Pakistan, l’est pour le monde musulman, gagné par le nationalisme teinté de religion. Le désespoir en Palestine ainsi que la mainmise des Etats-Unis sur les gouvernements dictatoriaux égyptien, saoudien ou jordanien, ne peuvent pas durer éternellement. Tôt ou tard, les mouvements de désobéissance d’inspiration nationalisto-religieuse s’intensifieront.

23.12.07

C.66- Les deux Palestine

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 23 décembre 2007

cpjmo@yahoo.fr

Les deux Palestine


Depuis sa création, Israël a montré qu’il ne tolère pas l’existence d’Etats souverains à ses frontières


Selon le «Le Petit Robert», la guerre froide se caractérise par un état de tension, d’hostilité entre États, comme ce fut le cas entre l’URSS et les États-Unis. Cette définition, tout en reflétant une part de vérité, manque de pertinence. En effet, derrière les tensions entre l’URSS et les États-Unis, se profilaient les oppositions séculaires entre l’Occident oppresseur et l’Orient oppressé.

La puissance militaire, morale et économique du camp socialiste était d’un grand soutien pour les mouvements de libération nationale qui défiaient l’hégémonie mondiale de l’Occident. Menaçant l’URSS de bombardement atomique, les Etats-Unis mirent tout en œuvre pour défendre leur suprématie. Leur acharnement leur permit de maintenir la Corée du Sud, Taiwan et le Sud Vietnam (ce dernier pour une courte durée) dans le camp occidental. Situation qui perdure sous forme de deux Etats coréens et deux Etats chinois.

Après l’effondrement de l’URSS, le colonialisme occidental, drapé d’une enveloppe humanitaire, est reparti de plus belle, étendant sa terreur des Balkans à l’Asie centrale. Les invasions militaires, les bombardements, les destructions dans les pays du Moyen-Orient ont créé un immense champ de bataille où s’affrontent désormais les armées occidentales et les peuples et nations de la région. Les pressions exercées par Israël, le bras armé de l’Occident, ont conduit à l’éclatement des mouvements de résistance palestiniens et, comme durant la guerre froide, à la création de deux entités palestiniennes. Celle de Mahmoud Abbas, dans le camp occidental, et celle du Hamas, qui continue son combat anticolonialiste. L’objectif déclaré des deux camps étant la création d’un Etat palestinien.

La quasi absorption du Fatah de Mahmoud Abbas par Israël est conforme aux rêves des sionistes de créer le «Grand Israël». Cette absorption n’a pas encore modifié la situation du peuple palestinien qui survit grâce à son patriotisme, à sa capacité exceptionnelle de résistance, à son courage et... à l’aumône internationale. Même la promesse de 7,4 milliards de dollars d’«aide», le 17 décembre à Paris, n’a pas dissipé les craintes d’un fiasco du «plan de paix» Bush- Olmert. Selon la Banque Mondiale: «l’aide internationale sans la liberté de mouvement reste impuissante à relever l’économie palestinienne». Et selon le constat de Salam Fayyad, premier ministre de Mahmoud Abbas: «le conflit n’est pas économique mais politique».

Depuis sa création, Israël a montré qu’il ne tolère pas l’existence d’Etats souverains à ses frontières. Ses multiples tentatives (agression et annexion territoriale, assassinats de personnalités notamment libanaises, sabotages) pour déstabiliser les États voisins en témoignent. Pourquoi serait-il disposé à accepter la création d’un Etat souverain palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza?

Le conflit israélo-palestinien fait partie des conflits qui s’imbriquent les uns dans les autres: Afghanistan, Irak, Liban, Syrie, Iran. La division du mouvement palestinien offre aux colonialistes un répit qu’ils mettront à profit pour consolider leurs positions, on ne peut plus critiques, sur d’autres fronts. Le «plan de paix» Bush- Olmert, un leurre, consiste à financer l’occupation israélienne par la «communauté internationale», complice de crime contre un peuple en danger de liquidation. Pendant ce temps, la construction du mur, de nouvelles colonies, de nouveaux «check- points» ainsi que l’arrestation et l’assassinat systématique de Palestiniens continuent au vu et au su du «monde civilisé».

L’«autre» Palestine, qui ne joue pas comme Mahmoud Abbas la carte trompeuse du «plan de paix», resserre ses rangs, menacée d’une agression prochaine. Cependant, lors de la cérémonie organisée à la mémoire des victimes palestiniennes des «assassinats ciblés», «l’on voit côte à côte, les drapeaux et les membres du Mouvement de la résistance islamique (Hamas) et du Fath» (LM du 20/12/07).

En pleine euphorie, après la disparition de l’URSS, le colonialisme occidental a eu «les yeux plus grands que le ventre» mais maintenant peine à supporter le poids militaire, humain et financier d’un conflit qui s’étend de la frontière chinoise à la Corne de l’Afrique. Signe révélateur : Comme ses collègues américains et britanniques, le président français est arrivé en catimini en Afghanistan. C’est que, malgré leur puissante aviation, les forces occidentales ne sont pas en sécurité en Afghanistan. Pourtant, à entendre les «doctes chefs militaires» du quartier général de l’ISAF: «les talibans ne représentent plus une «réelle menace militaire»». Selon Laurent ZECCHIANI, envoyé spécial du Monde : «le rapport des forces est facile à établir: sans l’aide des 52700 soldats occidentaux, dont 1200 Français, les forces gouvernementales (environ 57000 soldats et 71000 policiers) seraient balayées par les talibans» (LM du 21/12/07). Le journaliste nous apprend également que «l’année 2007 aura été la plus sanglante depuis 2001 en Afghanistan (…) Kaboul n’est plus une enclave de paix.»

Face à l’enlisement de l’OTAN, les militaires français s’interrogent sur la stratégie de la coalition : «Que veut-on faire en Afghanistan» (Dernière Nouvelles d’Alsace- 23/12/07). C’est la démoralisation, prélude à un échec qui ne tardera pas à venir. Situation bien formulée par un conseiller politique de l’OTAN : «Les insurgés n’ont pas besoin de vaincre, il leur suffit de ne pas perdre » (LM du 21/12/07). Ce qui est vrai pour l’Afghanistan, l’est également pour la Palestine. Comme l’édifice planétaire de l’Empire britannique d’autrefois, sous les coups de boutoir de la résistance palestinienne, celui des colonialistes israéliens finira par s’écrouler.