4.11.10

Analyse 11 (2010)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 04 novembre 2010

cpjmo@yahoo.fr

Empire des mensonges, des crimes de guerre et

de la désinformation


«Les dernières fuites de documents militaires orchestrées par le site WikiLeaks révèlent l’étendue des mensonges, de la désinformation et des abus liés à la guerre en Irak.»


Ces propos n’émanent pas d’un révolutionnaire ou d’un antiaméricain, bercé par un antiaméricanisme primaire. Ils sont ceux de Bonnie Bricker et Adi E. Shamoo, qui «signent régulièrement des articles dans Foreign Policy in Focus» à Washington, et dont les extraits ont été publiés par «Courrier international», numéro 1034, daté du 28 octobre au 3 novembre 2010.

Les écrivains de l’article accusent Georges W. Bush, Dick Cheney le vice président et les commandants en chef sur le terrain, y compris le célèbre général David Petraeus [auparavant chef de l’armée américaine en Irak et aujourd’hui à la tête de la coalition en Afghanistan] d’avoir «sciemment transmis des informations fausses et trompeuses au peuple américain et au congrès à propos de l’invasion de l’Irak et de ses conséquences.»

Il ne faut pas oublier que les personnages cités représentent à eux seuls le système politico-militaire des Etats-Unis, la plus grande puissance économique, politique, financière et militaire de l’histoire de l’Humanité, responsable de l’un des plus grands mensonges et de la désinformation qu’ait jamais connus l’Humanité.

Que dire du «massacre d’Haditha», un village à 260 km à l’ouest de Bagdad? «Le pire crime de guerre répertorié» (Patrice Claude et Rémy Ourdan- Le Monde du 24-25/10/2010). Au cours de ce massacre, «on relèvera 24 morts, dont dix femmes et enfants tués à bout portant».

En six années de guerre, combien de civils irakiens ont perdu la vie? « Au total, le dossier WikiLeaks dénombre 66081 civils tués (et 99 163 blessés)». Bien entendu, l’armée américaine rejette sur les attentats ou les «assassinats anonymes» la responsabilité de la majorité des morts en Irak. Y a-t-il eu autant d’assassinats (c’est bien d’assassinats qu’il s’agit) et de blessés pendant le règne dictatorial de Saddam Hussein? Le dossier révèle qu’en six ans, 183 991 Irakiens ont été arrêtés et détenus par les forces de la coalition. Il y a également des dizaines de «prisonniers fantômes» dont «nul ne sait ce qu’il (en) est advenu

Pour moins que ça, des chefs d’Etat de pays faibles passent devant le Tribunal Pénal International (TPI). Au nom des droits de l’homme, les Etats-Unis ou leurs complices peuvent commettre d’innombrables crimes et il n’y a personne pour les traduire devant une juridiction internationale. Rapport de force militaire et financière oblige. Un exemple. «Human Rights Watch dénonce la coopération de Paris, Londres et Berlin avec des pays pratiquant la torture…Les trois pays européens «continuent de bafouer leur obligation de prévenir et d’éradiquer la torture à travers le monde- et de trahir leurs valeurs proclamées», accuse HRW» (Natalie Nougayrède- Le Monde du 30/06/2010).

Qui peut convoquer les dits pays civilisés, qui «continuent de trahir leurs valeurs proclamées», devant un tribunal? Pourquoi le TPI, qui s’intéresse à l’assassinat de Rafic Hariri à Beyrouth, ne s’intéresse-t-il pas aux crimes de guerre commis par les Etats-Unis et leurs alliés en Irak et en Afghanistan?

Faut-il s’étonner que les peuples du monde, en particulier ceux des pays d’Orient et arabo-musulmans, accusent les puissances occidentales (Etats-Unis, Angleterre, France, Allemagne) d’hypocrisie, surtout lorsqu’elles proclament leur foi dans les valeurs humaines et démocratiques? Pourquoi faut-il faire confiance aux institutions internationales si celles-ci se sont transformées en instruments de domination de l’Occident, menée par les Etats-Unis?

Autant de questions qui conduisent à la conclusion suivante : même la moins instruite des personnes sait bien que dans les rapports internationaux, il y a deux poids, deux mesures. Un Etat qui commet des crimes, s’il est puissant, échappe à tout contrôle. Tandis qu’un Etat faible, s’il est, de surcroit, récalcitrant aux puissances occidentales, reçoit rapidement la visite des inspecteurs de toutes les institutions contrôlées par la «communauté internationale» (Etats-Unis et alliés), qui mobilisent tout cet arsenal à leur service, pour rétablir la «justice» (leur domination).

7.9.10

Analyse 10 (2010)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 04 septembre 2010


cpjmo@yahoo.fr


Israël- Palestine : les comptines de Barack Obama



Pour les États-Unis, le «remodelage» du Moyen-Orient (sa soumission) est toujours à l’ordre du jour


«La rencontre prévue entre M. Obama, M. Netanyahou et Mahmoud Abbas, le président palestinien, aurait bien lieu mardi 22 septembre en marge de l’Assemblée générale des Nations unies». Il s’agit, bien entendu, du 22 septembre 2009 ! (1) Et la journaliste de rajouter «Barack Obama ne désespère pas d’obtenir du premier ministre israélien des concessions, afin de montrer que ses efforts pour relancer le processus de paix ne sont pas totalement vains.»


Un an après, rebelote. «Benyamin Netanyahou et Mahmoud Abbas ont accepté, vendredi 20 août, l’invitation de Hillary Clinton, la secrétaire d’Etat américaine, à renouer le dialogue direct, interrompu depuis deux ans. Une séance de travail se tiendra le 1er septembre à Washington.» (2) Il s’agit, cette fois-ci, du 1er septembre 2010.


Après Madrid (1991-1993), Oslo (1993- 2000), Annapolis (2008), New York (2009), Washington (2010), les prochaines rencontres auront-elles lieu en 2012, 2013, 2014,…, 3000,…,4000,… ?


Dans un article très intéressant, Benjamin Barthe, journaliste au quotidien Le Monde, résume en une phrase l’impasse des soi-disant négociations : «… Les termes de ce nouveau round de négociations, flous et lacunaires, perpétuent un rapport de forces que les analystes jugent asymétriques entre Israéliens et Palestiniens, sur lequel tous les précédents processus ont achoppé.»(3)


Tout réside dans ce «rapport de forces asymétriques» militaires et politiques sur lequel achoppent les soi-disant processus de paix. Car, depuis que les États existent, les rapports entre eux sont régis ainsi : ce qui a été pris par la force militaire, ne sera rendu que par la force militaire. Or, sur les plans militaire et diplomatique, que vaut l’«autorité autonome palestinienne»? Rien, face à la machine de guerre d’Israël et son soutien inconditionnel, les États-Unis ! Israël reçoit chaque année trois milliards de dollars d’aides militaires américaines qui représentent plus de la moitié de la totalité de l’aide militaire internationale des États-Unis, et maintiennent, coûte que coûte, la supériorité militaire qualitative d’Israël.


La Palestine n’est qu’un morceau du grand puzzle, s’étendant des frontières chinoises jusqu’en Afrique. Aux yeux des empires occidentaux, au même titre que l’Irak, l’Afghanistan, le Liban, la Syrie et les pays arabes du Golfe persique, la Palestine n’est qu’un territoire et ne peut (et ne doit) disposer d’un État indépendant, digne de ce nom.


Déjà, l’existence des États indépendants syrien et libanais relève du miracle. Après le renversement des États irakien et afghan, c’était au tour des États syrien et libanais indépendants d’être renversés par l’armée israélienne. Mais l’échec américain en Irak, la paralysie des armées occidentales en Afghanistan et la crise économique ont retardé- nous disons bien retardé- le projet occidental. Pour l’Occident, mené par les États-Unis, le «remodelage» du Moyen-Orient (sa soumission) est toujours à l’ordre du jour.


Face à la machine de guerre américano-israélienne, les Palestiniens, seuls, ne sont pas en mesure de modifier les rapports de force en leur faveur. L’avenir de la Palestine dépend donc de l’évolution des rapports de force militaire et diplomatique, au Moyen-Orient, en Asie centrale et en Afrique.

Une étude historique montre que la guerre de l’Occident en Orient lointain dure depuis 1809 (201 ans). Anthony Cordesman, «expert indiscuté des affaires militaires au Centre américain des études stratégiques et internationales» a dit à propos de l’Irak : la guerre d’Irak «n’est ni terminée ni gagnée»(4). Ce qui est vrai pour l’Irak, l’est pour l’Orient : la guerre de l’Occident contre l’Orient «n’est ni terminée, ni gagnée».

S’il y a paralysie en Irak et en Afghanistan, la guerre anticolonialiste peut être gagnée par la résistance somalienne dont l’adversaire principal, regroupé au sein du «Gouvernement Fédéral de Transition» (TFG), est corrompu et incompétent. Divergences entre commandants, désertions, soldes détournées par les responsables minent les force pro-TFG.(5)


Sans le soutien des armées africaines (Ouganda, Guinée, Djibouti) et l’appui des Etats-Unis, de la France, de Éthiopie, etc., le TFG aurait depuis longtemps disparu.

Concernant l’Irak, ce qui compte pour les États-Unis, c’est un État irakien à leur solde. Avec la ralliement des tribus sunnites, les États-Unis ont atteint leur objectif. Mais l’Irak, est un pays difficile à gérer. Depuis le début de son existence, ce pays a connu plus d’une cinquantaine de coups d’état et de tuerie multiples. D’autres coups d’état nationalistes et massacres surviendront et les États-Unis agiront en conséquence.


Faut-il rappeler qu’aujourd’hui, les États-Unis ont perdu beaucoup de leur puissance. Il arrivera un jour où les nationalistes irakiens finiront par libérer définitivement leur pays. C’est une autre histoire qui demande du temps.


L’Afghanistan est différent. Les Afghans, un peuple montagnard, n’ont jamais accepté de chef d’état inféodé à une puissance étrangère, qualifiée de «despote des plaines». D’autant plus que l’Afghanistan est un champ de bataille des puissances régionales. La combinaison de ces facteurs rend encore plus difficile la victoire, voire le retrait américain, sous les conditions actuelles. Le remplacement d’Hamid Karzaï par une personnalité politique d’apparence nationaliste, dont les liens avec le «despote des plaines» ne sont pas connus du grand public, pourrait donner le signal d’un changement en Afghanistan.


La Cisjordanie devra attendre sa libération. La seule parcelle de Palestine ayant retrouvé sa souveraineté, c’est la bande de Gaza, encerclée et asphyxiée.


La bande de Gaza, le Liban et la Syrie sont les prochaines cibles de l’armée israélienne et c’est sous cet angle qu’il faut analyser la relance des «négociations de paix», patronnées par les États-Unis, dont l’objectif est la neutralisation de l’autorité palestinienne et l’assoupissement de la population arabo-musulmane, avec la complicité des pays arabes «amis» (Égypte, la Jordanie, l’Arabie saoudite).


(1) Corine Lesnes- Le Monde du 22 septembre 2009

(2) Benjamin Barthe- Le Monde du 22-23 août 2010

(3) Benjamin Barthe- Le Monde du 22-23 août 2010

(4) Patrice Claude- Le Monde du 24 août 2010

(5) Jean-Philippe Rémy- Le Monde du 26 août 2010