15.8.08

Analyse 18

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 17 août 2008

cpjmo@yahoo.fr

A propos de la récente guerre du Caucase


Le jour où Poutine a regardé Bush droit dans les yeux


Après son arrivée à la présidence des Etats-Unis, il y huit ans, Georges Bush s'est rendu à Moscou et, selon ses propres termes, a regardé Poutine, droit dans les yeux. Il lui aurait (peut-être) dit: "la rivalité russo-américaine a tourné en faveur des Etats-Unis, conduisant à la disparition de l'Union Soviétique. En d'autre termes, la guerre froide s'est achevée avec la victoire des Etats-Unis. Il est temps que la Russie en tire les conséquences".

Les Etats-Unis ont pris pied en Asie centrale, y installant des bases militaires. Ils ont mis la main sur les richesses pétrolières et gazières de l'Azerbaïdjan, du Turkménistan et ont détaché les pays baltes, la Géorgie et l'Ukraine de l'Empire russe. La Biélorussie constituait la prochaine cible des Etats-Unis, secondés activement par l'Union européenne qui qualifiait la percée des Etats-Unis d'"irréversible"!

En son temps, le même air était chanté par radio Kaboul, aux ordres de l'Union Soviétique, qualifiant la conquête de l'Afghanistan par le puissant voisin du nord de "bargachnapazir", mot persan signifiant "irréversible". On connaît la suite.

Les derricks ont fleuri sur le pourtour de la mer Caspienne et les oléoducs ont reliés les champs pétrolifères de l'Asie centrale aux raffineries occidentales. Au mépris de la loi internationale, qui exige le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale des pays membres des Nations unies, l'Irak et l'Afghanistan ont été envahis par les armées occidentales, menées par l'armée américaine, puis annexés à l'Empire américain, empire financier et militaire le plus vaste de l'histoire de l'humanité.

Enterrant le gaullisme, partisan d'une politique étrangère indépendante, même la France de Sarkozy a plié l'échine devant la toute puissance des Etats-Unis.

N'oublions pas que les guerres d'Irak et d'Afghanistan, loin d'être gagnées, se sont avérées très couteuses sur les plans humain et économique. L'économie de guerre américaine est entrée en récession, entrainant l'économie de la zone euro, dont celle de l'Allemagne elle-même.

L'administration Bush, discréditée et affaiblie, est contestée à l'intérieur même des Etats-Unis. La décrue de sa puissance s'est traduite par le retour de la Russie sur la scène asiatique.

C'est en Chine, lors des jeux Olympiques de Pékin que Vladimir Poutine, en regardant droit dans les yeux de Bush, lui aurait (peut-être) dit: "c'en est fini avec la toute puissance des Etats-Unis. Vous êtes embourbés en Irak et vous ne gagnerez jamais la guerre d'Afghanistan. L'Iran, la nouvelle puissance du Moyen-Orient, vous nargue et vous traversez une crise économique, la plus grave depuis 1929. Il est temps que vous en tiriez les conséquences."

Retour du balancier. Si la conquête de l'Asie centrale et du Caucase annonçait la suprématie des Etats-Unis, le reflux de sa puissance, commencé au Moyen-Orient, prend une ampleur particulière à la suite de la déroute de l'armée géorgienne. Faut-il signaler que la petite Géorgie n'aurait jamais osé attaquer l'Ossétie du Sud sans l'aval, voire l'encouragement, de l'administration Bush. L'envoi en Géorgie du contingent géorgien d'Irak par l'aviation américaine, montre l'implication directe des Etats-Unis dans le conflit.

Saakachvili n'a pas hésité à parler de la Géorgie comme étant: "le champ de bataille pour les valeurs de l'Occident" (Le Monde du 13/08/0). La nature de ces "valeurs" a bien été identifiée par Lech Kaczynski, le président polonais, selon lequel: "il n'y a pas de sécurité d'approvisionnement en énergie ni de notre pays ni de l'Europe sans la Géorgie" (LM du 13/08/08).

Vu la prudence des "amis" occidentaux de la Géorgie, face à la machine de guerre russe, les anciennes républiques de la défunte Union Soviétique (Pologne, Ukraine, Azerbaïdjan, pays Balte) se posent sûrement des questions sur la fiabilité stratégique de leur mentor occidental.

Faut-il se réjouir de la renaissance de la puissance russe? L'émergence de cette puissance permettra d'équilibrer les forces militaires et diplomatiques présentes en Asie centrale et au Caucase. Sur ce plan, les anticolonialistes sont satisfaits. Mais, ils n'oublient pas, que la Russie est aussi une puissance colonialiste, qui se bat pour des zones d'influence et qui est présente, par son armée, aux frontières du Tadjikistan. L'occupation de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie par l'armée russe est, ni plus ni moins, une violation flagrante de l'intégrité territoriale de la Géorgie.

La division des puissances colonialistes (Etats-Unis, Union européenne et Russie), voire leur affrontement, laisse pourtant un répit aux forces anticolonialistes qui pourront jouer sur cette division pour leur résister. Si la Russie et la Chine sont d'accord avec les Occidentaux pour empêcher en Iran la naissance d'une puissance régionale, voire mondiale, elles s'opposent aux velléités de l'Occident de soumettre ce pays. Car, en cas de succès de l'Occident face à l'Iran, la Russie et la Chine seraient obligées de passer par les Etats-Unis pour accéder au marché iranien, ou pour s'approvisionner en hydrocarbure. Un exemple récent a été fourni par le retrait de Total, la compagnie pétrolière française, sous la pression des Etats-Unis, du marché juteux de gaz liquéfié de Pars-sud, dans le Golfe Persique. Sous les précédents gouvernements français, s'inspirant de la politique gaulliste, un tel retrait eut été impensable.

La Géorgie retrouvera-t-elle, un jour, sa souveraineté? Vassal de l'Empire Perse jusqu'au dix-neuvième siècle, la Géorgie est passée dans la sphère d'influence russe, puis soviétique avant de devenir le vassal des Etats-Unis.

L'histoire de la Géorgie, située aux carrefours des intérêts géostratégiques des puissances militaires et colonialistes, se résume en celle d'un Etat vassal de l'empire le plus puissant de l'époque. Pour l'heure, à moins d'un miracle, il est très difficile d'imaginer une Géorgie vraiment souveraine.

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