2.1.09

Analyse 1 (2009)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 04 janvier 2009


cpjmo@yahoo.fr


Israël peut-il réoccuper la bande de Gaza?


Dans l’«Analyse 10» du 13 avril 2008, nous avons écrit : «Depuis l’été 2006, les Américano-israéliens ne sont victorieux dans aucun conflit. Après son échec au Liban, l’armée israélienne n’a pas atteint son objectif d’éradiquer le Hamas en Palestine. Les «négociations de paix» sont factices. Les Américano-israéliens ne sont plus en position de force».


En effet, depuis que l’aviation joue un rôle important dans la guerre classique, l’Occident et son fidèle allié israélien, mettent tout en œuvre pour dominer l’espace aérien de l’adversaire: destruction de l’aviation, destruction des casernes, des centres de commandements et des infrastructures militaires. Ensuite, par des raids successifs, mise hors d’usage des organes vitaux du pays: ponts, centrales éclectiques, routes, usines, etc. Une fois que le ciel de l’adversaire est sous contrôle, le ballet des hélicoptères, puis l’intervention terrestre, finissent le travail de conquête.


Cette tactique fut largement utilisée en 1967 lors de la guerre des six jours contre l’armée égyptienne, puis contre la Serbie et l’Irak en 2003. Ce dernier pays, exsangue après dix années de blocus et de raids aériens incessants américano-britanniques, disposaient de missiles de courte portée. Ils furent neutralisés par les «inspecteurs des Nations unies», avant l’intervention américaine.


La leçon de ces guerres fut tirée par les stratèges de pays comme l’Iran qui prônent la neutralisation de la tactique militaire occidentale, par le développement de leur arsenal balistique (sol- sol, sol- mer, sol-air) et la préparation de la guérilla.


Lors de l’agression du Liban par l’armée israélienne en 2006, cette tactique a été testée dans ce pays. L’avance de l’armée israélienne y a été stoppée nette, sans avoir pu atteindre le fleuve Litani, pourtant situé à une trentaine de kilomètre seulement de la frontière israélienne. De plus, l’armée israélienne fut entraînée dans une guerre de guérilla, où elle a perdu une cinquantaine de tanks et subit les assauts incessants des guérilleros bien entraînés et déterminés. Habituée à mener des guerres- éclair et à conquérir des positions stratégiques, l’armée israélienne fut constamment harcelée, incapable de garder les positions conquises. La guerre, après 34 jours, a pris fin par une «non victoire», selon certains experts militaires, et par un échec de l’armée israélienne, selon d’autres.


Pour la première fois, la guerre a été portée en territoire israélien. En effet, les missiles de la résistance libanaise atteignirent le nord d’Israël. En comparaison avec les 160 000 obus d’artillerie tirés contre le sud du Liban (contre moins de 100 000 lors de la guerre du Kippour en 1973) les 3790 missiles libanais ne représentent que 2,4% des projectiles israéliens. Le directeur du fisc israélien, Jacky Matza, a estimé à 8000 le nombre de bâtiments ayant subi des dommages en Israël.


La guerre du Liban de l’été 2006, ouvrit l’ère d’une nouvelle forme de guerre anticolonialiste au Moyen-Orient, celle d’une guerre de guérilla, en complément d’une opération balistique.


Face à la machine de guerre occidentale, en particulier américaine, consistant à stationner porte avions et navires de guerre dans le golfe Persique, l’Iran, encerclé par une centaine de bases militaires, a intégré cette nouvelle forme de guerre. «L’Iran pourrait très bien prendre le contrôle du golfe Persique en fermant le détroit d’Ormuz, et détruire en quelques minutes (grâce à ses batteries de missiles) les installations pétrolières saoudiennes. Il priverait donc très facilement le marché mondial de 17 milliards de barils. Il ne le fera pas, mais cette menace constitue une force de dissuasion qui empêche les Etats-Unis d’envahir ou d’attaquer le pays»(1).


Les Palestiniens de la bande de Gaza ont également adopté cette forme de résistance. Le Hamas a une base populaire, et une milice motivée, bien entraînée à la guérilla, disposant de roquettes rudimentaires. L’encerclement hermétique de la bande de Gaza est le talon d’Achille de la résistance palestinienne. Il permet à Tsahal d’espérer sortir victorieux d’une éventuelle incursion par la voie terrestre. Mais, la raclée administrée par le Hezbollah libanais à l’été 2006, fait hésiter stratèges israéliens et occidentaux, quant à la pertinence de l’affrontement direct entre Tsahal et la résistance palestinienne.


En attendant, grâce à la complicité de l’occident et de ses valets arabes, dont le gouvernement égyptien, la bade de Gaza étouffe littéralement. «Dimanche [28 décembre 2008], l’aviation israélienne a bombardé une quarantaine de tunnels creusés sous la frontière égyptienne, qui constitue le seul cordon ombilical de la bande de Gaza avec l’extérieur»(2). Pris dans une souricière, les Gazaouis se battent, démantèlent, sur plusieurs points, le mur qui longe la frontière avec l’Egypte sur 14 kilomètre(2). La question de la survie quotidienne se pose avec acuité aux 1,5 millions d’habitants de Gaza.


Pour avoir une idée du calvaire des Palestiniens, voici le témoignage du juge Dennis Davis, militant anti-apartheid, juif sud-africain, visitant la Cisjordanie occupé: «La présence de l’armée partout, ces fils d’attentes aux check-points, ces raids de soldats sont pour moi pire que l’apartheid. Cela ne fait aucun doute. C’est plus pernicieux, plus sophistiqué grâce aux ordinateurs, qui n’existaient pas à l’époque. Ce sont des méthodes déshumanisantes»(3). La situation est cent fois pire dans la bande de Gaza, qualifiée de «prison à ciel ouvert».


La police de Mahmoud Abbas se met également au service d’Israël: «La police palestinienne a dispersé sans ménagement un rassemblement à Hébron»(2). De son côté, l’armée israélienne a massé ses troupes et donne l’impression de préparer l’invasion de la bande de Gaza.


Par la bouche de Meir Sheetrit, ministre de l’intérieur, le gouvernement israélien ne cache plus son vrai objectif: «Le but de l’opération est de faire tomber le régime du Hamas»(4). Comme ses maîtres américains, spécialistes du changement de régime (irakien, afghan, etc.), le gouvernement israélien tente de faire tomber l’administration mise en place par le Hamas. La demande d’un arrêt des tirs de roquettes et d’obus de mortier n’est qu’un prétexte.


Le silence de l’équipe Obama sur l’agression israélienne et le voyage en France de Tzipi Livni, la chef de la diplomatie israélienne, laissent planer des hésitations à Washington. En effet, l’agression de Gaza est la continuation de la politique de Bush, avec les conséquences que l’on sait: affaiblissement et discrédit croissants des positions américaines et des alliés arabes, dont Mahmoud Abbas. Ceux-ci préparent ainsi involontairement un terrain favorable à la montée de l’islam politique au Moyen-Orient. C’est tout le contraire de la politique étrangère prônée par Obama, sous la pression de son entourage militariste. D’accord avec le bombardement, l’équipe Obama ne semble pas prôner la réoccupation de la bande de Gaza.


A quelques semaines de la passation des pouvoirs, Obama arrivera-t-il à s’imposer et à prendre le contrôle de la politique étrangère des Etats-Unis? Les jours à venir seront décisifs.


(1) Robert Baer, l’ancien chef de la CIA au Moyen-Orient - Le Nouvel Observateur- 18-24 décembre 2008.

(2) Le Monde du 30/12/08.

(3) Le Monde du 20-21/07/08.

(4) Le Monde du 31/12/08.

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