3.12.10

Analyse 12 (2010)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 03 décembre 2010

cpjmo@yahoo.fr

Que cache le «nouveau concept stratégique» de l’OTAN ?

Les pays participant au sommet de l’OTAN sont d’accord sur une chose : contenir la poussée anticolonialiste en Asie centrale, au Proche et au Moyen-Orient

Le «nouveau concept stratégique» de l’OTAN a été adopté, vendredi 19 novembre 2010, au sommet de l’Alliance atlantique à Lisbonne.

Le débat à Lisbonne a révélé, d’abord, qu’il y a un contentieux territorial entre l’OTAN, instrument de domination américaine, et l’Union européenne (UE). En effet, «toute coopération étroite entre les deux organisations reste bloquée depuis des années par le contentieux politique entre Chypre et la Turquie.» La partie turque étant soutenue par les Etats-Unis tandis que Chypre- la partie grecque- est soutenue par l’UE. Ceci expliquerait (essentiellement ou en partie?) la réticence de l’Allemagne et de la France à l’entrée de la Turquie, tête de pont des Etats-Unis, dans l’Union européenne. Le fossé semble tellement important que les journalistes parlent de blocage de «toute coopération étroite» entre les deux organisations.

Par ailleurs, le «concept stratégique décrit l’UE comme un partenaire «unique et essentiel» de l’OTAN». Un partenaire n’est pas un adversaire, compétiteur ou rival. Un partenaire est un associé ou un allié contre d’autres «joueurs», en l’occurrence les pays qualifiés d’ennemis. Or, tout porte à croire qu’en langage diplomatique des euro-américains, le terme partenaire semble être synonyme de vassal.

L’entourage de Nicolas Sarkozy a fait comprendre que l’UE ne souhaitait pas être traitée en partenaire et préférait insister sur le «dialogue» avec l’Alliance atlantique. Ce qui signifie que l’UE (la France) réclame une part «absolument égale» avec les Etats-Unis. Au lieu de suivre les Etats-Unis, l’UE souhaite disposer de ses propres moyens militaires de projection des forces et d’intervention dans des crises. Bref, l’UE veut être traitée comme un «acteur global», une «alliée [des Etats-Unis], pas alignée (partenaire)» sur l’OTAN, rappelle un conseiller de Nicolas Sarkozy.

Il faut rappeler que les clauses du Traité de Lisbonne prévoient un renforcement de l’Europe de la défense. Nicolas Sarkozy pensait, peut-être, que réintégrer l’OTAN faciliterait la mise en place de l’Europe de la défense. Mais, les Etats-Unis empêchent toujours la constitution d’une défense autonome européenne. Pire, le bouclier antimissile proposé par l’OTAN, dans le cadre du «nouveau concept stratégique», suit un objectif : soumettre l’UE en l’amenant sous le parapluie «antimissile» américain, suivi du désarmement (nucléaire) de la France et de la concentration de l’arme nucléaire entre les mains des seuls Etats-Unis.

Le «désarmement nucléaire, pour lequel plaide l’Allemagne» va dans le sens des intérêts américains. La France voudrait que le «bouclier antimissile de l’OTAN» soit un «complément et non un substitut» (phrase réclamée par la France) à la dissuasion nucléaire. Or, le communiqué final du sommet de l’OTAN ne contient pas la phrase réclamée par la France.

Le torchon brûle entre la France et l’OTAN. A tel point que «certains soupçonnent la Britannique [Catherine Ashton] d’être peu enthousiaste à l’égard de l’Europe de la défense»(1). En langage diplomatique, «peu enthousiaste» ne signifie-il pas un frein?

La France paraît bien seule dans l’UE. Ses partenaires allemands et britanniques font tout pour lui «arracher ses dents atomiques» et lui faire plier l’échine devant le patron américain, pressé d’en finir avec «l’orgueil français».

Pour un analyste averti, le traitement humiliant de la France au sommet de l’OTAN est la suite logique de la servilité, proclamée solennellement par Nicolas Sarkozy à l’Oncle Sam au Congrès américain. La nomination d’Alain Juppé, un gaulliste acquis à la dissuasion nucléaire, au ministère de la défense, serait-elle liée à l’offensive de l’Amérique et de ses alliés pour priver la France de l’arme nucléaire? Dans ce cas, que penser de la confiance de la bourgeoisie française à l’égard de l’atlantiste Nicolas Sarkozy?

La Russie n’est pas mieux lotie. Invitée à rejoindre le «bouclier antimissile» américain, Moscou réclame, à son tour, une part «absolument égale» dans ce projet. Ce que refusent les Etats-Unis qui ne cherchent que la soumission de ses partenaires. La discussion continue et rien n’indique qu’elle aboutira un jour à convaincre les Russes qui souhaitent «peser sur les choix futurs de l’Alliance. Notamment sur les limites géographiques du déploiement du bouclier, ainsi que le nombre, la vitesse et la portée des intercepteurs.»(2)

Malgré leur division et leur désaccord évidents, tous les pays participant au sommet de l’OTAN sont d’accord sur une chose : contenir la poussée anticolonialiste en Asie centrale, au Proche et au Moyen-Orient dont l’Iran est le fer de lance. A ce titre, la Turquie a été désignée pour concurrencer l’Iran sur la scène moyen-orientale. En effet, la Turquie s’affiche en «défenseur» de la cause palestinienne et libanaise et menace même Israël de représailles en cas d’une nouvelle aventure militaire contre ses voisins.

Le mouvement d’indépendance nationale à caractère islamique gagne les Républiques musulmanes d’Asie centrale et la Russie cherche le soutien de l’Occident pour mater l’insurrection nationaliste, comme elle l’a fait en Tchétchénie. En contrepartie, l’OTAN demande à la Russie de s’engager davantage en Afghanistan.

La Russie se rapproche de l’OTAN et risque de perdre le peu de crédit qui lui restait au Moyen-Orient.

(1) Jean-Pierre Stroobants (avec Natalie Nougayrède, à Paris)- Le Monde du 21-22 novembre 2010.

(2) Jean-Pierre Stroobants (avec Natalie Nougayrède, à Paris)- Le Monde du 23 novembre 2010.

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