Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 30 avril 2011
Le Maghreb et la duplicité occidentale
Depuis le 17 décembre 2010, le visage du Maghreb et du monde change lentement et inexorablement. Ce jour-là, Mohamed Bouazizi, un jeune tunisien, diplômé d’études supérieures, devenu vendeur ambulant de fruits et légumes à Sidi Bouzid, s’est immolé par le feu. Il protestait contre sa condition de vie misérable et contre l’arbitraire de la police de Ben Ali qui l’empêchait de travailler.
Sous la pression de la rue, Ben Ali et sa famille ont pris la fuite. Les Tunisiens recherchent actuellement une voie démocratique qui tarde à s’installer. En effet, Ben Ali est parti mais l’appareil d’Etat militaro-mafieux qui le soutenait est resté en place et freine des quatre fers la poussée démocratique du peuple tunisien.
Le feu de l’insurrection ne s’est pas arrêté en Tunisie. Peu de temps après, les Egyptiens sont descendus dans la rue et ont exigé le départ de Hosni Moubarak, le dictateur égyptien qui, à son tour, a du abandonner le pouvoir. Moubarak est parti, mais l’appareil militaro-mafieux qui le soutenait reste au pouvoir afin de limiter la portée des exigences démocratiques du peuple égyptien, assurer la «sécurité» du canal de Suez- l’une des trois portes d’accès à la Méditerranée- et les intérêts stratégiques des israélo-occidentaux dans la région. Alors que la bande de Gaza manque de tout et souffre du blocus israélien, l’Egypte assure l’approvisionnement de 40% environ du gaz naturel consommé par la société israélienne (Reuters, AP- Le Monde du 28/04/2011).
A leur tour, le Yémen, Bahreïn, la Libye et la Syrie ont été touchés par le feu de l’insurrection d’une intensité inédite. Partout, le peuple exige le départ des dictateurs locaux, l’instauration d’une société démocratique et d’un Etat de droit.
Face à la révolte du peuple, les pouvoirs moribonds, n’ont pas hésité à envoyer l’armée qui tire à vue sur les manifestants pacifiques.
Les peuples du monde, dont les européens, ont apporté leur soutien à l’insurrection des peuples du Maghreb. Mais, selon leurs habitudes, les pouvoirs occidentaux jouent au «deux poids, deux mesures».
Bahreïn, base de la Vième flotte américaine, est trop stratégique pour tomber aux mains des représentants démocratiquement élus du peuple qui pourraient exiger sa fermeture. Avec le soutien tacite des Etats-Unis, l’armée saoudienne a envahi Bahreïn et mis temporairement fin à l’insurrection démocratique. Les Bahreïnis n’ont pas dit leur dernier mot.
Le Yémen, porte du détroit de Bâb Al Mândab, occupe une position stratégique sur la route du pétrole près de la Corne de l’Afrique. Soutenu par les puissances occidentales, le dictateur yéménite refuse de partir et envoie l’armée pour contenir la révolte populaire pourtant très puissante. L’installation d’un pouvoir démocratique risquerait de priver l’Occident d’un pouvoir docile au sud de la péninsule arabique.
Le peuple syrien avance les mêmes exigences que les peuples du Maghreb : fin de la dictature, de la corruption, du clientélisme et instauration d’un système politique démocratique et d’un Etat de Droit. Mais le pouvoir syrien répond par la terreur et envoie l’artillerie lourde.
En avançant l’argument d’«enjeux régionaux majeurs»(1) du type «si l’Etat syrien saute, une boite de Pandore s’ouvre» ou «un risque d’ «irakisation» est redouté»(1), les puissances occidentales restent complices du pouvoir syrien. Faut-il rappeler que la présence des militaires français au Liban, ainsi que le soutien de l’Iran à la Syrie, font réfléchir à deux reprises tout aventurier militaire occidental.
Tout porte à croire que la Libye n’a pas eu la «chance» de Bahreïn, du Yémen et de la Syrie. Le pouvoir libyen parait faible et divisé, sans arme nucléaire ou de «destruction massive», sans amis puissants. D’autant plus que Kadhafi n’est pas Ben Ali ou Hosni Moubarak, les «amis» obligés des puissances occidentales. Une proie facile en quelque sorte. En avançant des prétextes généraux : «défendre le peuple» désarmé libyen face à un «dictateur fou» et grâce à la complicité de l’ONU, les avions de l’OTAN bombardent la Libye dans le but de remplacer le régime par un «gouvernement ami», à l’écoute de l’Occident.
Il ne s’agit pas de soutenir le régime libyen, clanique et dictatorial. Il s’agit de dénoncer le système «deux poids, deux mesures» pratiqué par les puissances occidentales qui prennent une posture «humaniste», mais ferment les yeux devant la politique d’apartheid et colonialiste israélienne en Cisjordanie, ou russe en Tchétchénie, politique contraire aux lois et conventions internationales. Tous les dictateurs arabes, depuis le Koweït jusqu’au Yémen, sont soutenus par les puissances occidentales.
L’exemple de l’Irak et de l’Afghanistan montre que l’OTAN est le bras armé du colonialisme occidental. Cette même organisation prétend «défendre» le peuple libyen ! Il faut être naïf pour croire ces balivernes. Des naïfs, on en trouve parmi les intellectuels occidentaux, transformés en fervents prophètes de «l’ingérence humanitaire». Eux aussi ont déjà oublié la Palestine, l’Irak et l’Afghanistan. «L’humanisme» à la Bush a de beaux jours devant lui.
(1) Natalie Nougayrède- Le Monde du 28/04/2011.
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