22.6.11

Analyse 8 (2011)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 22 juin 2011

cpjmo@yahoo.fr

Les Etats-Unis tentent de

poursuivre le remodelage

du «Grand Moyen-Orient»

Si la disparition de l’Union soviétique en 1991 a été une bénédiction pour les puissances occidentales, elle a constitué un vrai cauchemar pour les peuples et nations du monde à peine sortis d’une longue période de domination colonialiste.

En effet, l’écroulement de l’Union soviétique a rompu l’équilibre des forces à l’échelle planétaire, cet équilibre qui avait contribué à l’écroulement des empires coloniaux en Afrique, en Asie, au Proche et au Moyen-Orient.

A partir de 1991, commença une nouvelle ère de reconquête colonialiste, d’abord en Europe centrale, suite à l’absorption des ex-pays du bloc du Pacte de Varsovie par l’OTAN, suivie du démantèlement de la Yougoslavie, pays acteur des Balkans ainsi que de la Serbie, réduite à un pays «périphérique», presque satellite de l’Union européenne.

L’installation de bases militaires américaines en Asie centrale, suivie de l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak, parachevèrent la transformation du monde bipolaire en un monde «unipolaire» où les Etats-Unis sont l’unique puissance planétaire, soutenue activement par leurs puissants alliés européens, en particulier britannique, français et allemand.

Il est à souligner qu’au moment de leur indépendance, les anciens pays colonisés (Afghanistan, Irak, Syrie, Libye, Algérie, Tunisie, Egypte, etc.) étaient socialement arriérés. Les régimes installés par des «mouvements de libération nationale» avaient-ou ont encore- un caractère dictatorial, voire fasciste, réprimant les moindres velléités démocratiques.

Depuis 1977 (début de la présidence de Jimmy Carter), la contre offensive colonialiste s’est organisée- et s’organise- au nom des idéaux occidentaux, en particulier, la défense des «droits de l’homme», de la «démocratie» ou autre «protection des populations civiles», sous la bannière des Nations unies, dominées par les puissances occidentales, avec la bénédiction de la Russie et de la Chine.

Quant à l’Irak, son occupation a été orchestrée autour d’un mensonge selon lequel le régime de Saddam Hussein disposait d’«armes de destruction massive». A peine 8 ans après l’occupation «des documents confidentiels déclassifiés le prouvent : l’accès au brut irakien était au cœur de la décision britannique de s’engager dans l’invasion de l’Irak en 2003»(1).

Faut-il rappeler que des dizaines de milliers de civils Serbes, Kosovars, Irakiens, Afghans ou Libyens ont perdu- et continuent à perdre- leur vie suite aux bombardements aveugles des avions et des hélicoptères des soi-disant «défenseurs des Droits de l’Homme» venus de l’Occident.

La transformation des pays soumis en sous-traitants des multinationales est un autre aspect de la domination colonialiste. L’exemple de la Tunisie et de l’Egypte montre que ce type d’économie, fondée sur la recherche de la rentabilité à outrance des multinationales, s’accompagne d’une montée importante des inégalités et du chômage qui frappe majoritairement les jeunes, diplômés ou non.

Pour faire face à la montée de la contestation sociale, les régimes soumis déploient, avec l’aide des pays occidentaux, une machine policière redoutable, créant un climat d’insécurité pour tous les citoyens.

L’explosion sociale qui secoue actuellement les pays arabo-musulmans du Proche et du Moyen-Orient est une conséquence des humiliations et de l’exploitation féroce que font subir aux peuples de la région les colonialistes et leurs suppôts locaux.

Comme à son habitude, l’Occident mené par les Etats-Unis, essaie d’exploiter au maximum le chaos qui règne dans les pays traversés par le vent de la contestation et pratique la politique de «deux poids, deux mesures». En effet, «sensible» aux atteintes aux «droits de l’homme» en Iran, en Chine, en Syrie ou en Libye, «Washington n’a élevé aucune critique contre l’arrivée des troupes saoudiennes»(2) à Bahreïn qui sert de port d’attache à la Ve flotte américaine.

Baptisé «Bouclier de la péninsule», l’Arabie saoudite a dépêché, les 13 et 14 mars 2011, 1000 hommes à Bahreïn au nom des «intérêts communs» des membres du CCG (Conseil de coopération du Golfe). 500 hommes sont également déployés par les Emirats arabes unis (EAU) contre les protestataires bahreïnis qui ont des revendications d’ordre social.

La même attitude s’observe au Yémen où l’armée, divisée, n’inspire pas confiance aux Etats-Unis. En effet, le général Ali Mohsen Al-Ahmar, commandant de la zone militaire nord-ouest et demi-frère du président Saleh, est passé dans l’opposition. Mais, l’ambassadeur américain, Gerald Michael Feierstein préfère négocier avec Abd Rabbo Mansour Haddir, le vice-président. La position géostratégique du Yémen ne laisse place à aucun compromis avec l’opposition yéménite qui doit se soumettre (aux Américains) ou disparaître.

Il reste encore quelques foyers de résistance au Proche et au Moyen-Orient. Il s’agit de la Syrie et de l’Iran, politiquement indépendants. L’Iran est, de surcroit, un pays acteur important sur le plan régional dont le rôle est contesté aussi bien par les puissances occidentales qu’orientales (Russie et Chine).

La contestation sociale en Iran et en Syrie offre aux Etats-Unis l’occasion de hausser le ton et de chercher à déstabiliser, voire à soumettre, les régimes syrien et iranien. La soumission de la Libye, de la Syrie et de l’Iran mettrait fin au processus de «remodelage» du «Grand Moyen-Orient», si cher à Georges Bush, ancien président des Etats-Unis.

Après la Libye, l’Iran et son allié syrien arriveront-ils à résister au «remodelage» politique américain? En cas de victoire des Etats-Unis, après l’Iran et la Syrie, viendrait le tour de la Palestine, dont l’objectif non déclaré des Israélo-Occidentaux serait de la faire disparaitre dans le «Grand Israël». A suivre…

Une chose semble sûre : le vent de liberté qui souffle actuellement sur le «Grand Moyen-Orient» parait suffisamment puissant et n’a pas dit son dernier mot.


1- Le Monde du 16 juin 2011. Consulter également http://petrole.blog.lemonde.fr

2- Gilles Paris- Le Monde du 16 mars 2011.

30.4.11

Analyse 7 (le 30 avril 2011) : Le Maghreb et la duplicité occidentale

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 30 avril 2011

cpjmo@yahoo.fr

Le Maghreb et la duplicité occidentale

Depuis le 17 décembre 2010, le visage du Maghreb et du monde change lentement et inexorablement. Ce jour-là, Mohamed Bouazizi, un jeune tunisien, diplômé d’études supérieures, devenu vendeur ambulant de fruits et légumes à Sidi Bouzid, s’est immolé par le feu. Il protestait contre sa condition de vie misérable et contre l’arbitraire de la police de Ben Ali qui l’empêchait de travailler.

Sous la pression de la rue, Ben Ali et sa famille ont pris la fuite. Les Tunisiens recherchent actuellement une voie démocratique qui tarde à s’installer. En effet, Ben Ali est parti mais l’appareil d’Etat militaro-mafieux qui le soutenait est resté en place et freine des quatre fers la poussée démocratique du peuple tunisien.

Le feu de l’insurrection ne s’est pas arrêté en Tunisie. Peu de temps après, les Egyptiens sont descendus dans la rue et ont exigé le départ de Hosni Moubarak, le dictateur égyptien qui, à son tour, a du abandonner le pouvoir. Moubarak est parti, mais l’appareil militaro-mafieux qui le soutenait reste au pouvoir afin de limiter la portée des exigences démocratiques du peuple égyptien, assurer la «sécurité» du canal de Suez- l’une des trois portes d’accès à la Méditerranée- et les intérêts stratégiques des israélo-occidentaux dans la région. Alors que la bande de Gaza manque de tout et souffre du blocus israélien, l’Egypte assure l’approvisionnement de 40% environ du gaz naturel consommé par la société israélienne (Reuters, AP- Le Monde du 28/04/2011).

A leur tour, le Yémen, Bahreïn, la Libye et la Syrie ont été touchés par le feu de l’insurrection d’une intensité inédite. Partout, le peuple exige le départ des dictateurs locaux, l’instauration d’une société démocratique et d’un Etat de droit.

Face à la révolte du peuple, les pouvoirs moribonds, n’ont pas hésité à envoyer l’armée qui tire à vue sur les manifestants pacifiques.

Les peuples du monde, dont les européens, ont apporté leur soutien à l’insurrection des peuples du Maghreb. Mais, selon leurs habitudes, les pouvoirs occidentaux jouent au «deux poids, deux mesures».

Bahreïn, base de la Vième flotte américaine, est trop stratégique pour tomber aux mains des représentants démocratiquement élus du peuple qui pourraient exiger sa fermeture. Avec le soutien tacite des Etats-Unis, l’armée saoudienne a envahi Bahreïn et mis temporairement fin à l’insurrection démocratique. Les Bahreïnis n’ont pas dit leur dernier mot.

Le Yémen, porte du détroit de Bâb Al Mândab, occupe une position stratégique sur la route du pétrole près de la Corne de l’Afrique. Soutenu par les puissances occidentales, le dictateur yéménite refuse de partir et envoie l’armée pour contenir la révolte populaire pourtant très puissante. L’installation d’un pouvoir démocratique risquerait de priver l’Occident d’un pouvoir docile au sud de la péninsule arabique.

Le peuple syrien avance les mêmes exigences que les peuples du Maghreb : fin de la dictature, de la corruption, du clientélisme et instauration d’un système politique démocratique et d’un Etat de Droit. Mais le pouvoir syrien répond par la terreur et envoie l’artillerie lourde.

En avançant l’argument d’«enjeux régionaux majeurs»(1) du type «si l’Etat syrien saute, une boite de Pandore s’ouvre» ou «un risque d’ «irakisation» est redouté»(1), les puissances occidentales restent complices du pouvoir syrien. Faut-il rappeler que la présence des militaires français au Liban, ainsi que le soutien de l’Iran à la Syrie, font réfléchir à deux reprises tout aventurier militaire occidental.

Tout porte à croire que la Libye n’a pas eu la «chance» de Bahreïn, du Yémen et de la Syrie. Le pouvoir libyen parait faible et divisé, sans arme nucléaire ou de «destruction massive», sans amis puissants. D’autant plus que Kadhafi n’est pas Ben Ali ou Hosni Moubarak, les «amis» obligés des puissances occidentales. Une proie facile en quelque sorte. En avançant des prétextes généraux : «défendre le peuple» désarmé libyen face à un «dictateur fou» et grâce à la complicité de l’ONU, les avions de l’OTAN bombardent la Libye dans le but de remplacer le régime par un «gouvernement ami», à l’écoute de l’Occident.

Il ne s’agit pas de soutenir le régime libyen, clanique et dictatorial. Il s’agit de dénoncer le système «deux poids, deux mesures» pratiqué par les puissances occidentales qui prennent une posture «humaniste», mais ferment les yeux devant la politique d’apartheid et colonialiste israélienne en Cisjordanie, ou russe en Tchétchénie, politique contraire aux lois et conventions internationales. Tous les dictateurs arabes, depuis le Koweït jusqu’au Yémen, sont soutenus par les puissances occidentales.

L’exemple de l’Irak et de l’Afghanistan montre que l’OTAN est le bras armé du colonialisme occidental. Cette même organisation prétend «défendre» le peuple libyen ! Il faut être naïf pour croire ces balivernes. Des naïfs, on en trouve parmi les intellectuels occidentaux, transformés en fervents prophètes de «l’ingérence humanitaire». Eux aussi ont déjà oublié la Palestine, l’Irak et l’Afghanistan. «L’humanisme» à la Bush a de beaux jours devant lui.

(1) Natalie Nougayrède- Le Monde du 28/04/2011.