7.8.11

Analyse 10 (2011)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 07 août 2011

Syrie : révolte ou révolution?

Avec la poursuite de la répression en Syrie, deux attitudes émergent sur le plan international. Celle de l’Occident (Etats-Unis, Angleterre, France, Allemagne), appelant Damas «à ouvrir une enquête sur les violations des droits de l’homme, à juger les responsable d’attaques contre des manifestants pacifiques»(1), conduisant le Conseil de sécurité à émettre une résolution contraignante contre Damas, ouvrant la voie à une intervention militaire dans le but de «défendre la population civile». Il s’agit de la reprise d’un scénario observé dans le cas de l’Irak, de l’Afghanistan et de la Libye où les principes des droits de l’homme ont servi d’alibi aux conquêtes néocolonialistes.

Celle des pays soucieux de leur souveraineté (Russie, Chine, Brésil, Iran) qui connaissent par cœur la chanson droit de l’hommiste de l’occident colonialiste et qui s’opposent à toute résolution, ouvrant la voie à une intervention militaire occidentale en Syrie.

Pendant ce temps-là, la répression impitoyable continue à faire des victimes civiles en Syrie. Le pouvoir syrien ne reste pas les bras croisés et par vidéos interposées essaie de discréditer la population, en l’accusant de barbarie contre les soi disant «forces de l’ordre».

Comme dans toutes les révoltes, il est indéniable qu’on trouve des jusqu’au boutistes parmi les révoltés qui n’en peuvent plus de la répression qui fauche, depuis des décennies, leurs parents et proches, ou des provocateurs et des casseurs venus des services de renseignements dans le but de discréditer la révolte d’un peuple. Apparemment, cela suffit à certains intellectuels occidentaux et autres «anti-impérialistes» ou «marxistes» autoproclamés- qui ne connaissent rien de la complexité de l’Orient- pour disqualifier la révolte du peuple syrien et l’attribuer à l’impérialisme.

La révolte du peuple syrien est une révolte juste d’une population pacifiste et éduquée contre une dictature militaire, brutale, corrompue, clientéliste et moyenâgeuse qui sème la terreur pour régner.

A en croire Cécile Hennion, journaliste au quotidien Le Monde, les révoltés syriens commencent à s’organiser autour de «Comités de coordination locale»(2). «Chaque ville révoltée de Syrie possède aujourd’hui son comité. Ce vaste réseau, comparé à «une immense grappe de raisin» par un activiste, vient de franchir une autre étape en publiant sa «vision d’une solution politique en Syrie». Ce texte établit que «l’objectif de la révolution est le changement de régime»»(2).

Nous sommes bel et bien face à une révolution dont l’objectif est l’instauration d’une «république et un Etat civil appartenant à tous les Syriens et non à un individu, une famille ou un parti

Nous sommes au début d’un mouvement révolutionnaire qui, sauf accident de parcours, mettra plusieurs mois pour atteindre la maturité avant d’aboutir.

Pour l’instant, nous ne connaissons pas les détails du projet des révolutionnaires syriens, ni leur vision internationale. L’expérience montre qu’une révolution vise le régime en place et ses soutiens étrangers, en l’occurrence l’Iran, la Russie et la Chine. Le nouveau régime issu de la révolution se tourne vers les ennemis des puissances étrangères, soutiens du régime renversé, en l’occurrence les Etats-Unis et l’Union européenne. Or, lesdites puissances, soutiennent Israël qui occupe une partie de la Syrie.

Les puissances occidentales et leur soutien israélien sont déjà à l’œuvre en Irak, en Afghanistan, en Palestine et en Libye et montrent, à chaque occasion, leur caractère colonialiste, violent et brutal. Les révolutionnaires syriens en sont conscients et bien informés du danger permanent que représente l’Occident colonialiste pour la sécurité du monde et de l’Etat d’Israël pour la sécurité de ses voisins au Moyen-Orient.

Quel sera la politique étrangère de la révolution syrienne en marche ? Pour se débarrasser du régime criminel d’Al-Asaad, une fraction des révolutionnaires pourrait être disposée à composer avec les Etats-Unis, la France ou l’Angleterre. Nous espérons que le mouvement révolutionnaire, dans son ensemble, évitera ce piège mortel.

L’expérience montre également qu’afin de conserver leurs privilèges d’antan, les puissances étrangères de régimes menacés de renversement, peuvent se rapprocher des révolutionnaires. Le changement progressif de ton de Téhéran, de Moscou et de Pékin à l’égard du régime d’Al-Asaad sera une indication de l’évolution de la situation en Syrie.

Par ailleurs, l’exemple de la Libye montre qu’une intervention militaire occidentale nuit à la révolution. En effet, la dictature en profitera pour faire appel au patriotisme de la population- soucieuse de la souveraineté nationale- qui se mobilisera derrière le régime moribond pour faire face à l’agression étrangère.

En attendant, soutenons la révolution syrienne et souhaitons-lui une victoire méritée qui, sans aucun doute, aura une immense répercussion historique dans toute la région. Espérons en particulier que la future nouvelle Syrie continue à rester dans le camp anticolonialiste.

(1) (1) Alexandra Geneste- Le Monde du 03/08/2011.

(2) (2) Le Monde du 03/08/2011.

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