Paix et Justice au
Moyen-Orient
STRASBOURG, le 14 octobre 2017
Donald Trump,
un président de transition
Le nouveau président ne peut rien
contre le traité nucléaire avec l'Iran.
Dans l'analyse 3 (2016), nous avons rapporté un
extrait de l'analyse de The Guardian Londres,
publiée dans Le Courrier international du 18 au 24 février 2016. On y lit,
entre autres, qu'«alors qu'Alep est au
bord du gouffre, ces événements mettent plus que jamais en lumière le lien
entre la tragédie syrienne et le déclin stratégique de l'Europe et de
l'Occident en général». Et des Etats-Unis en particulier !
Autrement dit, «le
déclin stratégique» signifie la perte de l'hégémonie dans une région
stratégique, le Moyen-Orient, qui se répercute à l'échelle mondiale. Ce
qu'oublie l'analyste de The Guardian
Londres, c'est que ce «déclin
stratégique» a commencé longtemps avant qu'Alep ne se trouve «au bord du gouffre».
1975 : début
du déclin de l'hégémonie américaine
«Le déclin
stratégique de l'Occident en général » et des Etats-Unis en particulier, a
commencé après la défaite cinglante de l'armée américaine au Vietnam en 1975,
suivie du reflux de la présence américaine au Moyen-Orient, après la victoire
de la Révolution iranienne de 1979.
Depuis 1979, les Etats-Unis ne sont plus les
maîtres du Moyen-Orient : leur hégémonie est contestée et disputée par la
renaissance d'une puissance régionale : l'Iran dont les Etats-Unis et leurs
alliés occidentaux et régionaux n'ont cessé de circonscrire l'influence depuis
1979.
La guerre Irak-Iran (1980-1988) fut la première
épreuve sanglante imposée par l'Occident et passée avec brio par l'Iran. En
effet, l'Iran faisait face à l'armée irakienne, soutenue financièrement par les
monarchies du Golfe Persique, et militairement par une coalition de puissances
militaires occidentales, comprenant la Russie.
L'intervention américaine en Afghanistan (2001) et
en Irak (2003) a débarrassé l'Iran de régimes ennemis à l'est et à l'ouest de
ses frontières. La résistance des peuples afghan et irakien a porté (et
continue de porter) des coups très durs à l'armée et au prestige américains. Le
régime iranien en profite pour étendre son influence régionale.
Puissances
militaires mondiales contre l'axe Iran-Syrie
Les Etats-Unis et leurs alliés régionaux (l'Arabie
saoudite, Israël, la Turquie, les Emirats Arabes-Unis, la Jordanie, l'Egypte)
ainsi que les puissances militaires occidentales et alliées (le Japon,
l'Australie, la Corée du Sud, etc.) se sont jetés sur la Syrie qui représentait
le maillon faible de l'axe Iran-Syrie. Le renversement du régime syrien aurait
entrainé celui du Hezbollah libanais. La route aurait ainsi été dégagée pour
venir à bout de la république islamique isolée et encerclée, en provoquant des
troubles à ses frontières, voire à l'intérieur du pays. La Russie était aussi
dans la ligne de mir des Etats-Unis qui visaient (et qui visent toujours)
l'hégémonie planétaire.
La résistance de l'axe Iran-Syrie-Hezbollah face à
une coalition militaire d'une soixantaine de pays menée par les Etats-Unis a
montré que l'Iran, toujours aussi coriace que lors de la guerre Irak-Iran,
n'était pas une proie facile.
Coriacité
iranienne
Au fur et à mesure du développement de la guerre,
l'Iran a entrepris la réorganisation de l'appareil militaire syrien, tout en
mobilisant des miliciens d'obédience chiite d'origines diverses : irakienne,
syrienne, afghane, pakistanaise. Une source presque inépuisable de fantassins
pour faire face à l'afflux ininterrompu de djihadistes wahhabites
obscurantistes qui déferlaient sur la Syrie via les frontières turques et
jordaniennes.
Il était temps que la Russie se jette à l'eau pour
avoir sa part de la victoire et, point très important, empêcher la victoire de
l'hégémonie incontestée des Etats-Unis sur la planète, donc sur les sources
d'énergie qui mettraient à genoux la Russie, la Chine et les pays émergeants
comme le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud, soutiens de l'Iran.
L'intervention de l'aviation et des conseillers
russes à partir du 30 septembre 2015, a
fait pencher définitivement la balance en faveur du régime syrien de Bachar
Al-Assad.
La reprise d'Alep le 22 décembre 2016 - la deuxième
plus grande ville syrienne qui fut jadis un pôle industriel - sonna comme la
victoire définitive de l'axe Iran-Russie en Syrie sur les «insurgés» et leurs
soutiens occidentaux et régionaux.
La guerre en
Syrie annonce la renaissance d'un monde multipolaire
Comme nous l'avons écrit dans l'Analyse 12 du 10
octobre 2016 : «Il serait faux et naïf
de réduire la Syrie à une voie de transit des hydrocarbures du Golfe Persique à
la Méditerranée. La Syrie c'est beaucoup plus que ça. La Syrie est la ligne
rouge de la Russie et de l'Iran face aux puissances occidentales qui veulent
appliquer à tout prix le projet américain de «remodelage» du Moyen-Orient, hérité de l'administration de Georges
W. Bush, ancien président des Etats-Unis. Un «remodelage» qui menace la souveraineté territoriale et politique
des grands pays de la région : l'Irak, la Syrie, l'Iran, la Turquie, l'Arabie
saoudite, etc.»
Fini donc le «remodelage»
à grande échelle. En effet, les Etats-Unis et ses alliés encouragent toujours
la sédition kurde en Irak, en Syrie et en Turquie. Les Kurdes irakiens ont
organisé un référendum sur l'indépendance, inacceptable par l'Irak et ses
voisins iraniens et turcs. Ces derniers se sont rapprochés de l'axe Iran-Russie
pour s'opposer au plan américain de démembrement de la Turquie.
Sous la pression de ses alliés régionaux, en
particulier turcs, les Etats-Unis n'approuvent pas non plus le «référendum»
kurde d'Irak. Wait and see !
Les nouveaux
chiens de faïence au Moyen-Orient
Depuis l'émergence de l'Iran en tant que puissance
régionale, ce pays est devenu une épine pour la puissance américaine au
Moyen-Orient. En effet, l'hégémonie mondiale passe par l'hégémonie sans partage
du Moyen-Orient. Une hégémonie qui empêcherait la Russie d'accéder aux «mers
chaudes» et qui permettrait à la puissance hégémonique de dominer les
principales voies de communication (terrestre, maritime et aérienne) au
Moyen-Orient et, facteur vital pour
l'économie mondiale, de disposer de toutes les sources d'énergie de la région.
C'est donc l'Iran, plus que la Corée du Nord, qui a
porté le coup fatal à l'hégémonie planétaire américaine, en empêchant la
victoire occidentale en Syrie, en sabotant le «remodelage» du Moyen-Orient, en facilitant l'accès de la Russie,
rivale incontestée des puissances militaires occidentales, aux «mers chaudes».
«La rivalité entre la puissance mondiale
américaine et la puissance régionale iranienne, drapée de chiisme, remplace
désormais la puissance unipolaire occidentale, «croisée et sioniste», au Proche
et Moyen-Orient. Le régime du Chah d'Iran, sans conviction religieuse affirmée,
n’a jamais pu mobiliser la masse des croyants chiites multiethnique et atteindre
un tel sommet.» (Analyse 3 (2017)).
A quoi sert
Donald Trump ? Il passe d'échec en échec
Alors, à quoi servent Donald Trump et ses «excès de
colère» ? Donald Trump et les généraux du Pentagone espèrent toujours, en
jugulant l'Iran, transformer les Etats-Unis en puissance hégémonique. «America first» résume, entre autres, cet
espoir. La colère de Donald Trump contre le traité nucléaire avec l'Iran heurte
la résistance de la «communauté internationale». C'est un échec de plus pour le
nouveau président.
Et pour cause, les temps ont changé. L'Iran et ses milliers
de miliciens confessionnels, répartis dans plusieurs pays du Moyen-Orient,
s'affirme de plus en plus comme La puissance régionale, incontournable pour
régler les affaires de la région. La Russie, convalescente, consolide ses bases
en Syrie. L'Amérique est endettée, l'administration Trump coupe les subventions
aux plus démunis, les routes du pays sont dans un piteux état, ses militaires
sont démoralisés. Malgré l'augmentation des crédits militaires, l'armée
américaine réduit ses effectifs, tout en se déployant en Afghanistan (et donc, augmentation
des dépenses militaires), le nouveau champ de bataille sanglant de puissances
militaires occidentales et régionales (l'Iran, le Pakistan, l'Inde, la Russie,
la Chine).
Pourquoi l'Afghanistan est-il si important pour les
Etats-Unis ? La perte de l'Afghanistan ce serait la fin des Etats-Unis en tant
que puissance planétaire. L'Amérique s'y battra donc jusqu'à l'épuisement. Tant
mieux pour les nations éprises de paix.
Dans la
pratique, Donald Trump est le premier président qui sert à assurer la
transition de l'Amérique d'une puissance planétaire en une puissance de taille
moyenne, comme la Grande Bretagne et la France. Une transition qui peut
s'échelonner sur plusieurs années, voire décennies. D'ici, là, le monde passera
par de nouvelles guerres et tueries. Le déclin n'est malheureusement pas
synonyme de désescalade.
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