Paix et Justice au Moyen-Orient
Quel bilan pour l’administration Bush?
Depuis l’envoi, en janvier 2007, de 30000 soldats supplémentaires en Irak, la presse mondiale maintient le suspens sur le premier «bilan» de la «nouvelle stratégie» américaine dont l’objectif est double: le renforcement du gouvernement irakien et l’élévation du niveau de la sécurité.
L’accent est mis particulièrement sur la «réconciliation politique». Les Etats-Unis insistent même sur un rapprochement avec les anciens partisans de Saddam Hussein. Concernant le rapport du général Petreaus attendu par le Congrès américain, Antony Blinken, ancien conseiller du président Bill Clinton, estime que «la réconciliation politique ne s’est pas produite» (Le Monde du 05/09/07). Pourquoi?
Pour justifier sa politique en Irak, G. Bush donne souvent l’exemple du Japon et de la Corée du Sud où l’Etat s’était rapidement reconstitué, après la conquête américaine. Or dans lesdits pays, la bourgeoisie existait en tant que classe relativement homogène et l’Etat, en tant qu’organe de domination d’une classe sur la société, n’a pas eu de mal à se réorganiser.
L’Irak c’est comme du sable mouvant contrairement au Japon et à la Corée du Sud. L’Irak, pays constitué artificiellement, a une situation différente de celle des vieux pays de la région (Iran, Turquie) : dans ce jeune pays, il n’y a pas de classe politique homogène (multiethnique).
Avant de partir, il y a 60 ans, les colonialistes britanniques ont cédé les rênes du pouvoir à une fraction des sunnites, acquise aux Britanniques. Depuis, les coups d’état à répétition ont émaillé la vie politique en Irak. Le dernier en date fut celui de Saddam Hussein qui, en écartant du pouvoir par la terreur les autres ethnies et communautés, installa comme ses prédécesseurs un simili Etat à caractère clanique.
Il est à souligner que les communautés religieuses sunnite ou chiite ne sont elles- mêmes pas homogènes. On le voit bien à Bassora où la lutte pour le pouvoir oppose différentes milices chiites. Fin août, pour le contrôle de Kerbela, dominé apparemment par la milice Badr, différentes milices chiites (l’armée du Mahdi et la milice Badr), se sont affrontées militairement. Hétérogènes, les différentes factions kurdes ont souvent croisé le fer. Leur «réconciliation» actuelle relève plus de la circonstance que d’une réelle volonté d’aboutir à un partage du pouvoir. Dans une interview accordée au journal Le Monde et publiée le 23 août 2007, Jalal Talabani, président irakien, s’est exprimé sur la vraie nature de la guerre civile qui sévit actuellement en Irak: «Il n’y a pas de guerre sunnite- chiite en Irak (…) Nous assistons en fait à une guerre politique autour du partage du pouvoir». Le mot est lâché : le «partage du pouvoir». Dans un tel capharnaüm, que signifie la «réconciliation»?
Pour Bush, la «réconciliation» consiste à rassembler ses «amis» irakiens dans une sorte de «front uni», sans tenir compte de l’évolution de la société irakienne qui se trouve toujours à l’étape historique de la formation de l’Etat. Quiconque (Britanniques, Américains, Iraniens) veut se frotter à la réalité irakienne, finira par se brûler les ailes. Force est de constater que l’administration Bush, adepte de la force militaire, est en train de le comprendre au prix fort.
Tout porte à croire que les Britanniques, ancienne puissance tutélaire donc plus expérimentée, ne se font guère d’illusion et ont préféré plier bagage, laissant Bassora aux milices chiites.
Parlant de «bilan», Philippe Bolopion, journaliste, écrivait dans Le Monde du 8/06/07: «un rapport du Pentagone, publié le 13 juin [2007], a déjà tempéré l’optimisme initial du secrétaire à la défense, Robert Gates, en reconnaissant que la violence s’était déplacée sans décroître. Tandis que le mois de mai a été l’un des plus meurtriers depuis 2003, la confiance des Américains ne cesse de s’éroder.»
Les «amis» de Bush sont eux aussi dans de «sales draps». Comme Bush, le général Musharraf avait adopté une politique antidémocratique en instaurant un régime dictatorial, conduisant ses opposants à s’exiler. Comme la politique de Bush, celle du général Musharraf a produit l’effet contraire. Les attentats se multiplient, l’opposition pakistanaise prépare son retour et Benazir Bhutto, préférée des Américains, impose ses conditions.
Concernant la Palestine, les différents plans de l’administration Bush comme la conférence de Madrid, Oslo, la «feuille de route», ont échoué lamentablement. La prochaine conférence sur la Palestine semble déjà mort- née. Aucun accord de principe, relatif aux questions des colonies, des frontières et de la formation d’un Etat palestinien, n’a été conclu lors de multiples entretiens entre Ehoud Olmert et Mahmoud Abbas. Son premier ministre, Salam Fayad affirme : «Israël n’a pas mis en œuvre un seul de ses engagements en ce qui concerne la levée de check-points, l’humiliation de notre peuple à ces check-points, sans parler des raids, des assassinats et des colonies» (LM du 31/08/07). Dans ces conditions, dans les prochains mois, le développement de l’influence du Hamas en Cisjordanie semble donc inévitable.
Actuellement, même Bush évoque le départ d’Irak, mais «en position de force»! Quel «bilan» (aveu d’échec) éloquent! Il faut être Bush pour faire passer une défaite pitoyable pour un départ en «position de force». Pour Antony Blinken: «D’ici 2008, nous sommes obligés de diminuer nos effectifs en Irak (…) L’administration a maintenant compris qu’il n’y a pas de solution militaire mais elle a défini de manière impossible la solution politique». C’est qu’il faudra encore quelques milliers de morts militaires et civils pour que l’administration Bush finisse par trouver «de manière possible» la solution politique!
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