16.9.07

C.52- Irak: l'Amérique au tapis

Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 16 septembre 2007

cpjmo@yahoo.fr

Irak : l’Amérique au tapis

Pourquoi la chasse israélienne a survolé le territoire syrien?

Après la défaite humiliante américaine au Vietnam, selon la doctrine de Richard Nixon, l’Asie fut laissée aux Asiatiques et le Moyen-Orient au Chah d’Iran, promu entre- temps, «gendarme de l’Océan indien». L’Iran fut armé jusqu’aux dents, ses navires se rendaient en visite de courtoisie aux ports australiens et l’armée du Chah mâtait l’insurrection maoïste du Dhofar. Pour l’Occident, tout baignait jusqu’à la révolution de 1979, date à laquelle, l’«ami» iranien fut transformé en ennemi, concurrent surarmé et redouté.

Pour affaiblir l’Iran, casser son potentiel militaire et barrer la route à l’«exportation de la révolution islamique», l’Occident arma Saddam Hussein contre l’Iran. Huit années de guerre impitoyable opposèrent les deux puissances régionales qui, au prix de millions de morts et de destructions, finirent par sortir affaiblies et épuisées de la guerre. Avec l’affaiblissement de l’Union soviétique, la situation devint favorable (mais pas encore mûre) au «retour triomphal» des armées occidentales au Moyen-Orient.

L’invasion (provoquée) du Koweït par l’Irak meurtri et endetté, fournit le prétexte aux Américains pour s’installer confortablement au milieu des champs de pétrole, en Arabie saoudite et au Koweït. La France et l’Union soviétique, moribonde mais puissante, détenaient de grands intérêts en Irak. «On peut penser que lors de la campagne militaire contre l’Irak en 1991, appelée «Tempête du désert», le régime de Saddam Hussein dut sa survie au soutien des Russes, encore sûrs de leur puissance» (A. Rastegar : Pourquoi la guerre d’Irak?- DNA du 27/09/2002).

L’intervention américaine en Irak en 2003 résultait de la conjonction de deux situations, internationale d’une part, et régionale d’autre part. Sur le plan international, la disparition de l’Union soviétique, transformant les Etats-Unis en unique puissance planétaire, et sur le plan régional, le discrédit des idéologies laïques et anticolonialistes (nassérisme, socialisme arabe, baasisme) suivi de l’affaiblissement de l’Irak, ont favorisé l’invasion de l’Irak.

Les Etats-Unis, sans rival, étaient alors au faîte de leur puissance. Ils comptaient sur l’affaiblissement concomitant et durable de la Russie et de l’Iran pour pérenniser leur emprise et même l’étendre sur l’Iran, la Syrie, le Liban, voire la Russie et ses richesses pétrolières, par l’intermédiaire d’oligarques corrompus, à la solde de l’Occident.

L’invasion illégitime de l’Irak désorganisa la société, libérant toutes les forces antagonistes ; alors que, face à la machine de guerre américaine, l’armée irakienne se fondit dans la nature, adoptant rapidement la technique de guérilla de harcèlement des forces d’occupation.

A peine quatre ans après le déclenchement des hostilités, la plus puissante armée du monde est au tapis en Irak. Des milices et des gangs s’activent aux quatre coins du pays. Pour rétablir la sécurité, les Américains s’inspirent des méthodes israéliennes : «La guerre en Irak a rempli Bagdad de blocs de ciment encerclant, fractionnant, défigurant, déshumanisant les quartiers. Une profusion de murs et de barrages qui indique que, dans leur capitale, les Irakiens ont déjà cessé de vivre ensemble» (Cécile Hennion- Le Monde du 23/08/07). Après le mur de Berlin, le mur de séparation d’Israël, est venue l’heure des murs de Bagdad.

L’armée américaine est à bout de souffle. Ses capacités de rotation touchent à leurs limites. Le niveau qualitatif des engagés militaires a baissé et le niveau moyen de formation des officiers est désormais inférieur au seuil critique. Manquant de recrues, l’armée accepte des détenteurs de casier judiciaire dont le nombre a quadruplé. Robert Gates, le secrétaire à la défense, se disait préoccupé, craignant qu’un «surengagement consume» l’armée et la «distraie des autres choses» (LM du 11/09/07). Du côté démocrate, on entend le même son de cloche : «ce qui est en jeu est plus important que cette guerre. C’est notre leadership mondial» (Barack Obama- LM du 14/09/07).

L’audition par le Congrès du commandant en chef des forces alliées en Irak, le général David Petraeus, n’a pas modifié les rapports de force à Washington. Alors que les partisans d’un retrait total exigent le retrait pur et simple des troupes, G.W.Bush a présenté un plan de retrait de 21500 hommes d’ici juillet 2008. Même si ce retrait reste symbolique, l’avenir nous dira qu’il représente, peut-être, le début du reflux de la puissance et de l’influence américaines au Moyen-Orient, voire dans le monde.

Le changement des rapports de force profite aux forces anticolonialistes, à la Syrie et à l’Iran. Selon le président iranien: «Ceux qui sont venus [en Irak] pour augmenter leur puissance sont en train de la perdre (…) Il y aura bientôt un vide dans la région», que l’Iran se propose de «combler, avec l’aide d’amis voisins et de la nation irakienne» (LM du 30/08/07).

Les Américains et leurs larbins Israéliens ne l’entendent pas de cette oreille. Ils s’accrochent au pouvoir, envoient leurs avions survoler le territoire syrien afin d’intimider leurs adversaires et leur signifier qu’ils sont encore maîtres de la région et comptent le rester. En soutien aux Américains, les Français menacent l’Iran d’un bombardement nucléaire et autres sanctions hors ONU.

Président de l’Institut international d’études stratégiques de Londres, François Heisbourg (dont le cœur bat au rythme du Foreign office) écrit dans l’introduction de son dernier livre : «Iran, le choix des armes?»: «La débâcle irakienne est passée par là. La retenue américaine vis-à-vis d’un Iran franchissant le seuil nucléaire ne serait pas interprétée comme la démonstration d’une force tranquille, mais comme une preuve de la faiblesse stratégique d’une Amérique humiliée.»

Rien ne peut empêcher le vent de tourner, encore moins l’intimidation, et, tôt ou tard, l’heure du choix stratégique sonnera encore plus fort. Encore un peu de patience!

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