29.11.17

Analyse 12 (2017) : Tremblement de terre géopolitique au Moyen-Orient

     Paix et Justice au Moyen-Orient

                                         STRASBOURG, le 29 novembre 2017

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      Tremblement de terre géopolitique au Moyen-Orient
       Naissance d'une nouvelle alliance militaire de portée mondiale

Alliance Atlantique (OTAN) et Pacte de Varsovie

Les alliances militaires se forment lorsque le partage et/ou la conservation de zones d'influence constituent l'horizon des puissances militaires. L'époque napoléonienne en a connu plusieurs. Plus récemment encore, des alliances militaires se sont formées et affrontées, avant et après la Seconde Guerre mondiale. L'alliance militaire la plus invraisemblable fut celle dans laquelle l'Union soviétique, les Etats-Unis et les plus grandes puissances colonialistes de l'époque (la Grande Bretagne et la France) se sont unis pour éliminer la peste brune nazie et ses alliés fascistes italien et japonais.

Ladite alliance antinazie s'est ensuite scindée en deux alliances militaires adverses : le Pacte de Varsovie, regroupant feu l'Union soviétique et ses alliés d'Europe Orientale et l'Alliance atlantique (OTAN), regroupant les puissances militaires occidentales, sous le patronage des Etats-Unis.
   
Craignant le bloc soviétique, l'Alliance atlantique est restée relativement soudée jusqu'à la chute de l'Union soviétique et du Pacte de Varsovie.

Divergences américano-européennes

Depuis l'accession au pouvoir de Donald Trump, les tensions vont crescendo avec les partenaires des Etats-Unis au sein de l'OTAN, qualifiée d' «obsolète» par Stephen Miller, conseiller de Trump pour les affaires étrangères. Lors du sommet de l'OTAN du 25 mai 2017 à Bruxelles, Donald Trump lui-même n'a pas explicitement endossé l'article 5 du traité qui stipule : «Les parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles, survenant en Europe ou en Amérique du Nord, sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties…». Puis, il s'est livré à un réquisitoire contre les pays membres de l'OTAN au sujet des niveaux de dépenses de défense.

Certes, le niveau des dettes astronomiques des États-Unis suite aux dépenses militaires colossales pendant les guerres d'Afghanistan et d'Irak ainsi que les crises économiques en 2007 et en 2008, participent à l'isolationnisme américain, encourageant l'administration Trump au désengagement militaire (America first).

Ça n'empêche. La défiance est là, car les Etats-Unis et l'Union européenne ont des intérêts divergents. Preuves : les guerres d'Afghanistan et d'Irak où, malgré l'opposition des Nations-Unies, de la France et de l'Allemagne à l'intervention en Irak, les Etats-Unis ont envahi l'Irak et imposé leur agenda.

Initiative des «trois mers»

Les mêmes divergences s'observent quant à l'accord nucléaire entre l'Iran et les puissances 5+1 (les 5 membres du Conseil de Sécurité + l'Allemagne).

Actuellement et en sous main, l'administration Trump mènerait un travail de sape contre l'Union européenne, en soutenant  l'initiative des «trois mers» (mer Baltique, mer Noire et mer Adriatique) qui réunit douze pays d'Europe centrale et orientale sous l'impulsion de la Pologne. (Jakub Iwaniuk - Le Monde du 18 juillet 2017). Pour Bruxelles, l'initiative des «trois mers» constitue «une tentative de créer un club faisant contre poids aux initiatives de l'eurozone et du couple franco-allemand.» (Même source).

Toujours est-il que l'Union européenne (UE), parallèlement à l'OTAN, compte organiser sa propre alliance militaire, facilitée après le départ de la Grande Bretagne (brexit) de l'UE. Est-ce le début de la fin de l'OTAN sous l'égide des Etats-Unis ?

Traité de Shanghai

Après la dissolution du Pacte de Varsovie, les tentatives de la Russie pour créer un regroupement de pays capable de remplacer feu le Pacte de Varsovie n'ont pas abouti.

Sous l'impulsion de la Chine fut créée l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), les 14 et 15 juin 2001, regroupant 8 pays asiatiques dont la Chine, l'Inde et le Pakistan. L'OCS a pour objectif l’«établissement d’un nouvel ordre politique et économique démocratique, juste et rationnel». Selon certains observateurs «l’OCS apparaît (…) comme une tentative de Moscou et de Pékin d’établir une sorte de condominium destiné à marginaliser les Occidentaux en Asie centrale

Il est à souligner que l'OCS n'est pas une alliance militaire et n'a pas vocation à concurrencer l'OTAN. D'autant plus que la Chine, sans être vassale des Etats-Unis, lui est étroitement liée sur le plan économique.

L'Iran, premier bénéficiaire des guerres au Moyen-Orient

Les guerres des Etats-Unis en Asie Centrale et au Moyen-Orient (Afghanistan, Irak, Syrie) et les guerres menées par Israël au Liban et en Palestine occupée, ont offert l'occasion à l'Iran d'étendre son influence régionale en formant des milices autochtones (libanaise, irakienne, afghane, syrienne), et de les déployer dans différentes zones en guerre.

La guerre sanglante en Syrie, à caractère mondial [plus de soixante pays occidentaux ferraillaient contre le régime syrien et ses soutiens (consulter nos anciennes analyses)], a permis aux Etats-Unis et à ses obligés régionaux de tout mettre en œuvre pour venir à bout du régime de Bachar Al-Assad. L'argent et des miliciens fanatisés coulaient à flot en Syrie via les frontières turques.

Une victoire occidentale aurait permis aux Etats-Unis d'assécher les sources d'approvisionnement du Hezbollah conduisant à sa perte. La route aurait été libérée pour un encerclement total de l'Iran, conduisant à la chute du pouvoir en place. La mainmise américaine sur les sources d'énergie planétaire et ses voies d'acheminement aurait été totale. La Russie aurait été complètement encerclée et la Chine dépendrait à cent pourcent, en matière énergétique, des Etats-Unis, et n'auraient plus eu aucun droit au chapitre.

L'engagement ferme du régime iranien en Syrie représentait le premier pas pour stopper l'avancée vers l'Est des Etats-Unis. Mais, l'Iran seul, n'a pas les moyens militaires et financiers pour faire face à la vaste coalition militaire occidentale en Syrie.

Invitée par l'Iran, la Russie s'est investie dans la guerre en Syrie, empêchant du coup la chute du pouvoir de Bachar Al-Assad.

Naissance d'une nouvelle alliance militaire

La guerre en Syrie a donné naissance à une nouvelle alliance militaire. Pour l'instant, elle ne compte que deux membres : l'Iran et la Russie. La Corée du Nord est de facto membre de cette alliance, même si elle ne l'est pas officiellement. La nouvelle alliance militaire est soutenue par les «pays émergeants» (nouvelles puissances économiques) qui voient d'un mauvais œil un monde unipolaire dominé par une seule puissance, les Etats-Unis.

Pour réussir en Syrie, la nouvelle alliance militaire a neutralisé la Turquie qui n'apprécie guère le soutien apporté par les Etats-Unis aux autonomistes Kurdes syriens, ses bêtes noires.

Kurdes syriens instrumentalisés

La Turquie s'est rapprochée de la nouvelle alliance militaire et a largué les milices islamistes ainsi que des fragments de la soi-disant Armée syrienne libre. A leur tour, pour faire revenir la Turquie au bercail, les Américains ont lâché les Kurdes syriens à qui ils ne fournissent plus d'armes. Les Kurdes ont été instrumentalisés aussi bien en Irak qu'en Syrie. Désormais, les Kurdes syriens misent sur un soutien russe qui les utilise comme un moyen de pression sur la Turquie.

Reculade saoudienne

Malgré sa rhétorique anti-iranienne, le pouvoir saoudien s'est plié aux exigences de l'alliance Iran-Russie et «a convié à Riyad les plates-formes du Caire et de Moscou, deux structures d'opposition modérée, soutenues par la Russie». Un nouveau «Comité de négociation» a été formé [pour les pourparlers de paix de Genève du mardi 28 novembre ], intégrant des représentants desdites plates-formes, plus conciliantes à l'égard de Damas que la «Coalition nationale syrienne» (CNS), qui a l'oreille des capitales occidentales (Benjamin Barthe - Le Monde des 23 et 26-27 novembre 2017).

Bref, pour les Etats-Unis et ses obligés régionaux, en particulier Riyad, c'est la bérézina !

Actuellement, deux alliances militaires se font face au Moyen-Orient : l'Alliance Atlantique (OTAN) et l'alliance militaire russo-iranienne (AMRI) de portée mondiale. Moscou l'a rêvé. Téhéran l'a réalisé.

L'Iran parle, maintenant, en position de force et menace l'UE d'augmenter la portée de ses missiles, si elle porte atteinte à ses intérêts dans sa sphère d'influence. À suivre.

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